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Sommeil : quand génétique et biocapteurs se font outils d'investigation

CHRONIQUE - Santé, sexualité
 Le sommeil est un processus complexe et encore méconnu. Pour comprendre l’origine de ses dysfonctionnements, des approches variées sont mises en oeuvre: analyse génétique, recense-ment des besoins énergétiques et des messagers biologiques indispensables à cette activité.

Certains troubles du sommeil, comme le somnambulisme 1 et la narcolepsie – maladie caractérisée par des accès de sommeil invincibles associés ou non à une perte de tonus musculaire (cataplexie) –, ont des composantes héréditaires.

> La narcolepsie à la lumière de la génétique
Le Dr Mehdi Tafti, neurophysiologiste au département de psychiatrie des hôpitaux universitaires de Genève, mène des recherches sur la génétique du sommeil. «La narcolepsie touche un mécanisme de contrôle de la vigilance, explique le Dr Mehdi Tafti, mais ses causes sont inconnues.» Toutefois, depuis quelques années, deux molécules intervenant dans la transmission de messages nerveux sont sur la sellette. Le premier de ces neurotransmetteurs, l’orexine, et, plus largement, les neurones qui l’utilisent comme messager, sont anorma-lement absents dans le cerveau des patients souffrant de narcolepsie. «Or, une particularité génétique entraînant un dysfonctionnement du système immunitaire a été mise en évidence chez 90% de ces personnes. L’hypothèse actuellement proposée pour expliquer ce phénomène est celle d’un processus auto-immun: les neurones à orexine des patients seraient détruits par erreur par leur propre système immunitaire.» En ce qui concerne le second neurotrans-metteur, la dopamine, le Dr Mehdi Tafti et son équipe ont prouvé qu’il jouait un rôle dans la somnolence. «La dopamine est dégradée par une enzyme dont le niveau d’activité varie suivant les individus. Or, nous avons constaté que, chez les sujets dotés d’une enzyme très active, la narcolepsie était forte, tandis qu’elle était faible chez les sujets possédant une enzyme peu active 2 .» Les chercheurs tentent maintenant d’établir une relation entre ces deux systèmes de transmission de messages nerveux. De cette connaissance découlera peut-être dans les années futures un traitement plus adapté que celui proposé actuellement aux sujets narcoleptiques, qui associe un stimulant et un antidépresseur pour contrôler au mieux respectivement l’hypersomnolence et les épisodes de cataplexie.

> Le sommeil, n’est pas une activité de tout repos !
Au cours du sommeil paradoxal, l’activité cérébrale est intense. Or, les neurones – ces cellules au fil desquelles circulent les messages nerveux – sont des grands consommateurs d’énergie. «Il était donc intéressant d’étudier la consommation énergétique des réseaux de neurones impliqués spécifiquement dans cette phase du sommeil, explique le Dr Raymond Cespuglio, directeur du laboratoire «Neurobio-logie des états de sommeil et d’éveil» de l’université Claude-Bernard, à Lyon. Pour cela, nous avons fabriqué des biocapteurs capables de mesurer in vivo chez le rat les concentrations des substances à partir desquelles les cellules tirent leur énergie : glucose, lactate et NADH.» Six années ont été nécessaires pour mettre au point des capteurs suffisamment miniaturisés – 30 micro-mètres de diamètre ! – pour ne pas perturber l’animal, dont le sommeil paradoxal, fragile, aurait été menacé. Les résultats obtenus ont confirmé et précisé le grand besoin énergétique du sommeil paradoxal 3 . «En parallèle de cet aspect énergétique, nous nous sommes intéressés au monoxyde d’azote, un gaz qui sert de messager biologique dans le système nerveux central et qui est notamment présent dans les neurones spécifiques du sommeil paradoxal», poursuit le Dr Cespuglio. Un nouveau biocapteur micrométrique a permis de mesurer ses concentrations in vivo au cours du cycle veille-sommeil et de prouver qu’il intervient dans la régulation du sommeil. «Nous travaillons sur deux hypothèses. Le monoxyde d’azote régule-t-il la production d’énergie indispensable aux neurones spécifiques du sommeil paradoxal ? Existe-t-il un lien entre monoxyde d’azote et troubles du sommeil associés au vieillissement ? Ceci n’aurait rien d’impossible, car la production de ce gaz augmente avec l’âge.» En outre, le monoxyde d’azote a des effets délétères quand il est présent en excès et pourrait être impliqué dans le vieillissement et les processus neuro-dégénératifs. Une belle illustration de l’intérêt qu’il y a à soutenir la recherche fondamentale sur des sujets très variés et à favoriser les échanges entre chercheurs afin de tirer le plus de profit de chaque découverte.

1-Voir «Le somnambulisme, une affection génétique ?», dans R&Sn° 96, p. 6.
2-Molecular Psychiatry, juillet 2001.
3-European Journal of Neuroscience, avril 2001 et août 2002.

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Article extrait de Recherche & Santé n°96