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Discours prononcé le mardi 30 sept 2003 à New York par le ministre des Affaires étrangères


l’intégralité du discours prononcé le mardi 30 septembre 2003 à New York par le ministre des Affaires étrangères lors de la 58ème Assemblée générale des Nations Unies.

Monsieur le Président,

Cette année encore, nous nous réunissons pour dresser le bilan de nos actions et définir des perspectives susceptibles d’insuffler une nouvelle vitalité à notre Organisation.

Loin de devenir une routine, notre rencontre annuelle constitue le temps fort dans la vie de l’Organisation en ce qu’elle offre à chaque Etat membre, à travers un débat franc et constructif, l’opportunité d’apporter sa contribution à l’édification de la paix et de la sécurité indispensables à un développement juste et durable de nos pays.

Elle est aussi l’occasion pour nous de réaffirmer le rôle primordial des Nations Unies dans le monde et de rechercher les moyens propres à le raffermir davantage.

Monsieur le Président,

Avant de poursuivre mon propos, qu’il me soit permis de vous présenter, au nom du Président de la République Togolaise, Son Excellence Gnassingbé EYADEMA, du Gouvernement et du Peuple togolais que j’ai l’insigne honneur de représenter à cette tribune, mes chaleureuses félicitations pour votre élection à la présidence de la 58ème Session de l’Assemblée Générale. Nos félicitations vont également aux autres membres du Bureau. Soyez assuré de l’entière disponibilité et de la collaboration de la délégation togolaise.

Je voudrais également exprimer toute notre appréciation et notre profonde gratitude à votre prédécesseur, S.E.M. Jan KAVAN, qui a conduit avec beaucoup de doigté et de talent les travaux de la 57ème session de notre Assemblée.

Au Secrétaire général, nous réitèrerons toute notre admiration pour le travail qu’il continue de mener à la tête de notre Organisation.

Monsieur le Président,

La présente session de l’Assemblée générale se tient à une période particulière de l’évolution de l’Organisation des Nations Unies.

En effet, à la lumière des graves événements que connaît notre monde actuel, l’ONU a plus que jamais besoin d’être renforcée afin qu’elle puisse assurer pleinement les tâches primordiales qui lui ont été assignées par la Charte et qui consistent, entre autres, à maintenir la paix et la sécurité internationales et à être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers un développement collectif et un bien–être partagé.

De toute évidence, les objectifs et principes de notre Organisation conservent toute leur pertinence et demeurent des repères qui doivent guider les actions de la communauté internationale.

De l’avis de ma délégation, la présente session devra approfondir les réflexions en vue de définir de nouvelles approches qui permettront à l’ONU de rechercher des solutions plus viables et durables aux problèmes de paix, de sécurité et de développement qui interpellent chaque jour l’ensemble de la communauté internationale.

Il nous faut donc soutenir les actions de l’ONU, surtout en ces périodes où les peuples aspirent à plus d’espace de liberté et de démocratie et à une plus grande implication dans la gestion des affaires de la Cité.

Monsieur le Président,

Le souffle démocratique, qui s’est emparé de nos pays, est bien plus qu’un simple mouvement irrésistible de renouveau. Il porte en lui la marque d’immenses espoirs pour nos peuples. C’est ce qui justifie au Togo l’adhésion des populations aux réformes politiques que le Gouvernement a engagées il y a de cela plus d’une décennie et demie.

Je voudrais rappeler ici la foi et la détermination avec lesquelles le Gouvernement togolais, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, s’efforce de bâtir une société démocratique qui prenne en compte les légitimes aspirations des uns et des autres et qui s’enracine dans les réalités sociologiques du pays.

Pour l’essentiel, nous nous sommes engagés dans ce processus de démocratisation, convaincus que la tâche, au demeurant de longue haleine, requiert beaucoup de volonté, de patience et d’abnégation.

Qu’il me soit permis, du haut de cette tribune, de souligner qu’avec la dernière élection présidentielle, qui, de l’avis général de tous les observateurs, a été libre, honnête et équitable, le peuple togolais, dans sa grande majorité, a témoigné de sa maturité politique et de son sens aigu de l’intérêt général qui doit prendre le pas sur les intérêts partisans et personnels. En tout état de cause, je puis vous assurer que le peuple togolais, qui sait se surpasser, est déterminé à aller de l’avant.

Le Gouvernement, pour sa part, est résolu à poursuivre le processus de démocratisation et d’instauration de l’Etat de droit en le renforçant à la base par les élections locales et sénatoriales en cours de préparation.

Monsieur le Président,

L’on ne soulignera jamais assez le fait que les difficultés liées à tout processus de démocratisation ne sont pas propres à un pays ou à un groupe de pays donnés. Elles sont inhérentes à toute entreprise dont l’objectif est d’impliquer les peuples dans la gestion des affaires publiques.

Le chemin de la démocratie est long et semé d’embûches certes, mais nous oeuvrons inlassablement pour doter le pays des institutions démocratiques indispensables au bon fonctionnement d’un Etat de droit.

La quête de la démocratie, une évolution de notre temps à laquelle le Togo a totalement souscrit, est une démarche complexe qui requiert du temps.

En effet, la démocratie ne peut prendre corps que dans un environnement de paix et de sécurité que seule peut garantir une assimilation progressive des valeurs démocratiques bien comprises et puisées à la sagesse de la culture et des traditions des populations concernées.

C’est dans cet esprit que le Togo s’efforce d’édifier un Etat de droit avec l’espoir d’être compris par ses partenaires.

Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que, malgré les difficultés qui jalonnent notre marche vers l’instauration de la démocratie, des résultats encourageants et tangibles ont été obtenus.

Au-delà du développement institutionnel, il est une nécessité impérieuse d’assurer la plénitude des droits de l’homme dans toute leur dimension. Nous voulons ici mettre en exergue les préoccupations primordiales du Gouvernement Togolais visant à garantir et à favoriser les droits économiques, sociaux et culturels de tous les citoyens togolais. La réalisation de ces droits revêt pour nous une importance particulière, car il y va de l’intérêt de la démocratie et de la stabilité des institutions de la République.

En effet, si l’on observe attentivement l’histoire actuelle de l’Afrique, on relèvera que les nombreux soubresauts, les diverses tentatives de remise en cause des institutions démocratiques dans certains pays, procèdent moins de l’incompréhension du jeu démocratique que des difficultés économiques et financières que connaissent les couches sociales.

La réussite de l’entreprise démocratique est donc fonction des possibilités économiques des Etats qui s’y engagent et la mise en place des institutions nécessite également des ressources considérables que nos pays ne peuvent, au stade actuel de leur développement, rassembler sans l’aide extérieure.

Si ce constat est unanimement partagé, pourquoi donc mettre sous sanction et suspendre la coopération avec un pays qui a rencontré, comme beaucoup d’autres Etats, des écueils dans la mise en œuvre de sa politique de démocratisation et qui plus est, déploie des efforts notables pour la construction d’un Etat de droit ?

Mon pays, le Togo, mérite-t-il pareil traitement qui dure, voici déjà dix ans ?

Je voudrais, une fois de plus, lancer ici un appel en faveur de la reprise de la coopération avec le Togo. C’est l’appel de tout un peuple. La paix et la sécurité qui règnent au Togo et les efforts remarquables déployés pour le développement économique et social, malgré la suspension de l’aide, militent amplement en faveur de cette attente de la population togolaise.

Au moment où l’élimination de la pauvreté est considérée comme la tâche essentielle à laquelle il convient de s’atteler, aider un peuple ou un pays à se relever, c’est aussi lui donner les moyens de consolider la démocratie et cela est essentiel pour la construction d’un monde plus juste et apaisé.
Le devoir de solidarité, de justice et d’équité doit amener la communauté internationale, notamment l’Union Européenne et les autres partenaires en développement, à reconsidérer leur position et à se résoudre à accompagner l’effort de reconstruction du Togo, un pays qui a fait de la paix et de la sécurité le fondement même de sa politique tant intérieure qu’extérieure.

Au demeurant, le Togo croit fermement que la pratique des sanctions, si elle n’est pas bien mesurée et limitée dans le temps, ne ferait qu’accroître la misère des peuples, en particulier les femmes, les personnes âgées et les enfants, et constituer, de ce fait, le terreau fertile pour le désordre et l’anarchie. Il est donc souhaitable que notre Assemblée médite plus à fond cette question.

Monsieur le Président,

Notre foi dans la paix et dans la sécurité est attestée par les résultats concrets d’une politique économique courageuse et clairvoyante conduite sans faiblesse malgré l’adversité des temps.

Cette conviction se justifie tout aussi en raison de ce que la paix et la cohésion sociales demeurent, sans nul doute, les facteurs essentiels sans lesquels tout développement socio-économique serait mal assumé et ses résultats illusoires.

La paix et la sécurité sont donc primordiales pour tous les pays, que ce soit en Afrique ou ailleurs dans le monde.

Monsieur le Président,

Au plan africain, le Chef de l’Etat Togolais s’est fortement impliqué dans le processus de règlement des conflits.

A titre d’illustration, il me plaît de rappeler ses interventions remarquables et efficaces dans les processus de règlement des crises qui ont endeuillé le Tchad, la Sierra Leone, la Région des Grands Lacs, la Guinée Bissau et plus récemment la Côte d’Ivoire.

Dans le cadre de sa contribution au maintien de la paix, je voudrais relever que le Togo participe de manière significative et active aux déploiements de contingents militaires ou de forces de police dans le cadre sous régional ou des Nations Unies. Nous citerons, à titre indicatif, la Namibie en 1989, le Rwanda en 1993, Haïti en 1993, la Centrafrique et en 1997, la Guinée Bissau en 1999, la Côte d’Ivoire et le Liberia il y a quelque temps.

S’agissant du Libéria, il y a lieu de saluer la création, le 19 septembre dernier, par le Conseil de sécurité, de la Mission des Nations Unies au Libéria dont le déploiement, qui sera effectif le 1er octobre, c’est-à-dire dans quelques heures, contribuera à appuyer de manière significative, les Forces de maintien de la paix de la CEDEAO.

Mon pays, qui participe au rétablissement de cette paix par la présence d’un contingent, exhorte les pays riches à contribuer au financement de la force onusienne afin de lui donner les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

Dans la région des Grands Lacs, notamment en République Démocratique du Congo, le Gouvernement togolais formule le vœu ardent que la nouvelle étape, illustrée par la formation du nouveau Gouvernement et la mise en place d’autres institutions de la transition, conduisent effectivement à la stabilité, à l’unité et à la réconciliation nationales.

Au Burundi, mon pays se félicite des avancées significatives réalisées sur la base des Accords d’Arusha et exhorte les parties en conflit à œuvrer résolument à la restauration de la paix dans le pays.

Monsieur le Président,

Le Togo s’est fortement impliqué dans les processus de règlement des conflits en Afrique, témoignant ainsi de sa ferme détermination à apporter sa contribution au maintien et à la consolidation de la paix sur le continent africain. C’est dans cette optique que le Président de la République Togolaise a préconisé, au Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine à Tunis en 1994, la mise sur pied d’une Force Africaine de maintien de la paix.

Il est heureux de noter que cette idée fait son chemin à l’Union Africaine comme en témoigne l’adoption à Durban, en Afrique du Sud, du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine qui illustre à merveille la détermination des Africains à être eux-mêmes les artisans de la paix en Afrique. De même, il est réconfortant de noter que dans le cadre de ce Protocole, la mise en place d’une force africaine de paix prépositionnée et d’un système continental d’alerte rapide prend progressivement corps.

Mon pays s’engage à apporter sa contribution à la réalisation de cette approche collective des questions de défense, de paix et de sécurité en Afrique et engage instamment la communauté internationale à appuyer résolument le Continent africain en vue de garantir le succès de cette entreprise.

Monsieur le Président,

Ailleurs qu’en Afrique, nos regards demeurent constamment tournés vers l’Irak et le Moyen-Orient toujours en proie à la violence.

Pour ce qui est en particulier du Moyen-Orient, mon pays estime que le règlement définitif de la question palestinienne, qui est au cœur du conflit dans la région, passe nécessairement par l’arrêt de la violence et de la contre violence et la prise en compte des droits légitimes de chaque peuple, à savoir le droit d’Israël à vivre en toute sécurité dans des frontières internationalement reconnues et celui du peuple palestinien à la pleine jouissance de ses droits nationaux, y compris la création d’un Etat.

Dans cette perspective, nous encourageons Israéliens et Palestiniens à persévérer dans le dialogue en vue de parvenir à un règlement négocié et global de la question du Moyen-Orient.

Monsieur le Président,

En dépit d’un nouvel environnement favorable à l’expansion économique, la pauvreté croît sans cesse et demeure une caractéristique frappante et paradoxale de notre époque.

La paix et la sécurité seront constamment menacées si des mesures de justice ne sont pas prises pour faire reculer les frontières de la pauvreté qui, du reste, fragilise les fondements de nos sociétés.

La situation économique des pays en développement, notamment de l’Afrique, reste des plus préoccupantes. Le fardeau de la dette extérieure, l’instabilité des recettes d’exportation et les conséquences néfastes découlant de la détérioration des termes de l’échange ont largement contribué à accentuer la dégradation des conditions socio-économiques de nombreux pays africains.

Parlant de commerce international, il est regrettable de relever que, malgré la libéralisation de l’économie, des pays industrialisés continuent de pratiquer des mesures protectionnistes dans les secteurs industriels et agricoles. Ces mesures, fortement dommageables aux pays en développement, notamment ceux d’Afrique, entravent les efforts déployés en vue de relancer la croissance par l’exportation.

Le Togo, à l’instar de nombreuses délégations, demande, en conséquence, qu’il soit mis fin aux pratiques protectionnistes et aux subventions. Cela contribuerait, de manière significative, au développement des pays pauvres. C’est notre conviction que la mondialisation doit s’accompagner d’un élan de solidarité plus accru et d’une politique visant à l’achat des produits du Sud à des prix plus justes et rémunérateurs.

A cet égard, le Gouvernement Togolais tient à souligner que pour être bénéfiques à tous, les règles de l’OMC doivent tenir compte des aspirations profondes des pays en développement, qui ne demandent qu’à prendre part au commerce international dans des conditions d’équité et de justice, comme ils l’ont souligné récemment à CANCUN.

Au moment où notre Continent met tout en œuvre pour faire de l’Union Africaine l’instrument privilégié devant assurer la paix et la sécurité ainsi que la prospérité économique et sociale, la communauté internationale devra s’engager davantage à accompagner les efforts de redressement économique de nos Etats en vue de relever les défis auxquels ils sont confrontés tels que la pauvreté, la pandémie du sida et le paludisme.

Monsieur le Président,

Il importe que notre Organisation commune se mobilise davantage pour combattre les maux qui rongent le monde et le rendent vulnérable. Au nombre de ces maux il y a bien sûr le terrorisme.

Les terribles événements du 11 septembre 2001 ainsi que les récentes attaques meurtrières des installations de l’ONU en Iraq et bien d’autres, encore vivaces dans nos esprits, nous commandent d’agir promptement pour endiguer ce mal.

Mon pays le Togo, qui a été, à maintes reprises, victime d’agressions terroristes, en 1977, en 1985, en 1986, en 1993, en 1994 et en 1998, mesure l’importance de ce défi.

Cette tâche devra être l’une des hautes priorités à retenir si nous voulons laisser aux générations futures, un monde sain dont le respect de la dignité humaine, l’amour et la fraternité constitueront le fondement.

L’ONU, pour atteindre ses objectifs, doit assumer davantage de responsabilités et se doter de plus de moyens. Elle a sûrement besoin d’être réformée de façon conséquente. Dans l’optique de cette réforme, nous saluons les propositions pertinentes du Secrétaire général visant à la constitution d’un panel d’éminentes personnalités de la société civile devant réfléchir sur la question.

Nous demeurons convaincus que nos actions communes aboutiront à l’avènement d’une société débarrassée de l’égoïsme, de la violence, du terrorisme, des maladies et des menaces d’affrontements nucléaires.

Puissent les travaux de cette session amener chacun de nos Etats à s’engager résolument sur le chemin de la paix et à faire en sorte que tous les peuples, sans aucune discrimination, puissent jouir des fruits du progrès de l’humanité, dans un climat de tolérance, de justice, de fraternité et de solidarité.

Je vous remercie.

New York, 30 septembre 2003