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Les révisions opportunistes des constitutions discréditent les démocraties africaines

Politique
Analyse - Par Ali Idrissou-Touré

COTONOU, 12 août (IPS) - Albert Tévoèdjrè, ancien ministre du Plan du Bénin, a appelé tous les démocrates béninois et africains ''à lutter par tous les moyens pour que la régulation de l'alternance au pouvoir au Bénin et en Afrique devienne une nécessité absolue''.

La constitution du Bénin, approuvée par le peuple, a été conçue à la
Conférence nationale de février 1990 pour permettre une alternance démocratique à la tête de l'Etat. Par conséquent, elle ne doit pas être révisée pour empêcher cette alternance, selon Tévoèdjrè.

La déclaration de l'ancien ministre du Plan, faite le week-end dernier à la télévision nationale, s'inscrit dans le débat, en cours dans ce pays d'Afrique de l'ouest, sur une éventuelle révision de la constitution pour permettre au président Mathieu Kérékou de se représenter, pour un troisième mandat, à l'élection présidentielle de 2006.

Selon la constitution béninoise, le président de la République ''est
élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois''. Ensuite, elle fixe à 70 ans l'âge limite au-dessus duquel personne ne peut prétendre à la magistrature suprême dans le pays.

Le second et dernier mandat constitutionnel de Kérékou - élu en 1996 et réélu en 2001 - prendra fin en 2006 et il aura 73 ans. Avant le processus démocratique engagé depuis 1990, il avait déjà dirigé le pays pendant 17 ans - de 1972 à 1989 - sous un régime révolutionnaire marxiste-léniniste.
Kérékou aura donc passé 28 années au pouvoir, dont celle de la
transition (1990-1991) après la Conférence nationale.

Mais pour l'instant, le débat sur la révision constitutionnelle n'est
pas encore officiel; il se fait à travers les médias.

Avant Tévoèdjrè, l'ancien président Emile Derlin Zinsou, 85 ans, ainsi que d'autres anciens ministres - Théodore Holo et Kouboura Osséni - ont exprimé leur opposition à la modification de la constitution, à la télévision le 1er août, à l'occasion de la célébration du 43ème anniversaire de l'indépendance du Bénin.

Une bonne partie de la presse béninoise s'oppose également à toute révision de la constitution dans la perspective de l'élection présidentielle de 2006.

Au Gabon, la constitution vient d'être modifiée, avec notamment la
suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels
initialement fixé à deux. Le président en exercice peut maintenant se présenter à l'élection autant de fois qu'il le voudra. Il reviendra au peuple de décider s'il veut lui accorder ou non ses suffrages.

L'opposition gabonaise ne partage pas ce point de vue, estimant que la modification de la constitution ''ouvre la voie légale d'une présidence à vie'' au président Bongo qui est au pouvoir depuis 36 ans.

Au Togo, la constitution a déjà été modifiée et a permis au président Gnassingbé Eyadema de se faire réélire en juin pour un troisième mandat de cinq ans, au terme de 36 années au pouvoir. Certains Togolais affirment que ''personne d'autre ne peut diriger leur pays en dehors de Eyadema''. Une affirmation rejetée par d'autres qui posent cette question : ''Et si Eyadema mourait un jour?''

En Guinée-Conakry, la constitution a été modifiée également dans
l'intention d'autoriser le président Lansana Conté à se représenter,
l'année prochaine, à la fin de son second et dernier mandat.

En Tunisie, la constitution a été modifiée également pour permettre au président Zine Abidine Ben Ali de se représenter à l'élection
présidentielle de 2004 pour un quatrième mandat. Pourtant, lorsqu'il avait destitué en 1987 le premier président tunisien malade, Habib Bourguiba, 84 ans, Ben Ali avait promis de mettre fin à la présidence à vie.

En Guinée comme en Tunisie, l'opposition n'est pas d'accord avec la
révision constitutionnelle, mais les pouvoirs en place ne tiennent pas compte des points de vue des opposants, les médias d'Etat étant monopolisés par le gouvernement.

Certaines opinions estiment, au Togo, au Gabon, en Tunisie, en Guinée, au Bénin et dans bien d'autres pays africains francophones, qu'il n'existe ni de limitation du nombre de mandats présidentiels ni de limitation d'âgepour être candidat en France, l'ancienne puissance coloniale.

Mais, ces gens semblent ignorer le sérieux problème qui se pose
également par rapport à la sincérité et à la transparence des élections dans nombre de pays africains. Car même si le président Jacques Chirac se représentait en 2007 en France malgré son âge avancé à cette date (75 ans) pour un troisième mandat, il ne pourrait pas être sûr de sa réélection automatique.

En revanche, lorsque Eyadema, Bongo, Conté, Ben Ali, ou Kérékou
modifient leur constitution pour briguer un troisième mandat, ils sont quasiment certains d'être réélus dans la mesure où leurs partisans, qui les auraient encouragés, mettraient en œuvre toute une ''technologie électorale pour assurer leur victoire'', avec l'utilisation illégale des moyens et de l'appareil de l'Etat, explique un chroniqueur du quotidien privé béninois, 'La Nouvelle Tribune'.

En effet, les élections sont généralement faussées du début jusqu'à la fin du processus électoral. Et cette différence entre la pratique
électorale dans les pays occidentaux et celle des Etats d'Afrique est essentielle dans le débat actuel sur la révision des constitutions africaines.

Ces raisons objectives montrent le caractère suspect et vicieux des
révisions opportunistes des constitutions en vogue actuellement en
Afrique..
Aussi, le même chroniqueur de 'La Nouvelle Tribune' a-t-il rendu
hommage récemment au peuple de Zambie et au parlement du Malawi qui se sont opposés vivement à la modification de la constitution de leurs pays respectifs, empêchant ainsi les présidents Frederick Chiluba et Bakili Muluzi de
briguer un troisième mandat.

La pratique de révisions intempestives des constitutions fragilise et
discrédite les jeunes démocraties africaines, avec de gros risques de violences et de tentatives de coups d'Etat. Et comme l'a déclaré
récemment Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, il ne peut y avoir de démocratie sans alternance.