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Des suspicions pèsent sur les observateurs des élections

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POLITIQUE-AFRIQUE: Des suspicions pèsent sur les observateurs des élections

- Analyse Par Ali Idrissou-Touré

COTONOU, 26 juin (IPS) - La dernière élection présidentielle
controversée au Togo, suivie par 187 observateurs étrangers pour 5.296 bureaux de vote répartis dans tout le pays, relance le débat sur l'efficacité des observateurs des élections en Afrique.

L'écart considérable, entre le nombre d'observateurs et celui des
bureaux de vote, montre d'emblée la difficulté, voire l'impossibilité - pour ces observateurs étrangers - de surveiller objectivement le scrutin du 1er juin sur tout le territoire de ce pays d'Afrique de l'ouest.

Ce constat des chiffres, ajouté à la controverse qui entourait déjà
l'élection togolaise, a renchéri la polémique sur les missions d'observation envoyées surveiller les opérations de vote en Afrique depuis le début du processus démocratique en cours dans la plupart des Etats africains, il y a une douzaine d'années.

L'Union européenne (UE) a refusé d'envoyer des observateurs au Togo parce que le gouvernement togolais lui a interdit de les envoyer plus tôt, pour observer la préparation des listes électorales et des cartes d'électeurs.

Pour l'UE, la sincérité et la crédibilité d'une élection commencent
d'abord avec les listes et les cartes d'électeurs.

Mais si l'UE n'a pas envoyé d'observateurs, d'autres institutions comme l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), l'Union africaine(UA) et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO) enont envoyés.

Les résultats du scrutin, proclamés par la Cour constitutionnelle du
Togo, déclarent le président sortant, Gnassingbé Eyadema gagnant avec 57,78 pour cent des voix, contre 33,68 pour cent pour Emmanuel Bob Akitani, candidat du principal parti d'opposition, l'Union des forces du changement (UFC).

Ces résultats sont contestés par tous les candidats de l'opposition,
mais également par une structure de la société civile, le Conseil national de surveillance des élections (CONEL), dont les résultats placent en tête Akitani avec 36,31 pour cent des suffrages, contre 22,96 pour cent à Dahuku Péré, et 22,27 pour cent à Eyadema.

Edem Kodjo, l'un des candidats malheureux, a qualifié le scrutin de
''vaste escroquerie'', tandis que les autres candidats de l'opposition ont dénoncé des ''irrégularités et des fraudes massives''.

Mais, malgré leur petit nombre, tous les groupes d'observateurs ont déclaré que l'élection s'est déroulée ''librement et de manière
satisfaisante''.

''Les élections présidentielles du 1er juin 2003 se sont déroulées dans la transparence, le calme et la légalité'', affirme un communiqué des 12 observateurs de la CEDEAO.

Pour Germain Ewangui, observateur l'UA, ''Les opérations de l'élection qui vient d'avoir lieu, ne se sont pas déroulées de façon hasardeuse, mais sur la base de la loi électorale et la loi prévoit des voies de recours...
Au niveau des observateurs, nous avons affirmé haut et fort que pour nous, l'élection était libre, régulière, transparente et crédible''.

Les observateurs de l'OIF reconnaissent toutefois que des ''difficultés incontestables'' rencontrées dans certaines préfectures, dans le retrait des cartes d'électeurs avant le scrutin, n'ont pas permis à de nombreux citoyens d'aller voter. L'OIF, dont les 22 observateurs ont visité 435 bureaux de vote sur les 5.296 installés sur le territoire, estime néanmoins que le scrutin s'est déroulé de ''façon globalement satisfaisante''.

''D'une manière générale, les observateurs s'accordent pour affirmer que les élections se sont déroulées librement, dans des conditions de transparence, de quiétude, d'équité et de bonne organisation'', a affirmé le comité des observateurs internationaux, devant la presse, le 4 juin à Lomé, la capitale togolaise.

Cependant, trois organisations non-gouvernementales (ONG), dont Amnesty International, ont dénoncé des ''fraudes et des brutalités ayant fait trois morts''.

Il est évident qu'avec leur nombre limité, les observateurs ne
pouvaient pas tout voir. Par exemple, le vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Zeus Ajavon, proche de l'opposition, a dénoncé des ''bourrages d'urnes'' tôt le matin avant l'ouverture des bureaux à Tsévié, une localité située à 35 kilomètres au nord de Lomé.
Mais le président de la CENI, Abalo Pétchélébia, proche du pouvoir, a rejeté ces accusations qu'il qualifie d'infondées.

Si un seul observateur était présent sur les lieux, il aurait pu être
témoin des faits et en donner une version indépendante.
L'impossibilité, pour les observateurs, d'être présents dans tous les bureaux de vote, laisse planer la suspicion sur l'ensemble de l'observation des étrangers. Sans compter qu'un proverbe africain dit : ''L'étranger a les yeux grand-ouverts, mais il ne voit rien''.

Député au parlement européen, Fodé Sylla, venu de France pour observer les élections togolaises, a reconnu n'avoir visité que six bureaux seulement, indiquant que ''c'est le maximum que l'on puisse faire si l'on veut bien faire son travail''.

Le quotidien privé béninois, 'Le Matinal', qui a envoyé une équipe de journalistes couvrir l'élection, estime que ''La polémique, qu'a
suscitée la présence des missions d'observation de l'élection présidentielle au Togo, relance la question de l'opportunité de ces missions et de la prise en charge des délégations''.

Selon le journal, le gouvernement togolais ''a invité de nombreux
observateurs et a pris en charge les frais de séjour de la plupart des missions, en dehors de celles de la Francophonie, de l'Union africaine, de la CEDEAO notamment''.

Pour certaines opinions, ''lorsque les observateurs sont ainsi pris en
charge par l'une des parties en compétition, ils ne peuvent pas faire un travail impartial''. Cette affirmation a été rejetée par un observateur indépendant, à Lomé, pour qui, ''pris en compte ou pas, les observateurs travaillent selon des indications précises qui ne sauraient souffrir d'aucune manipulation''.

Seulement voilà : la presse sénégalaise accuse 55 observateurs - dont 12 Sénégalais - d'avoir ''bénéficié de la générosité du président Eyadema qui aurait déboursé plus de 500 millions de FCFA (environ 917.431 dollars US) pour couvrir les activités du Réseau international pour la surveillance des élections en Afrique (RISELA)'' qui les a dépêchés au Togo. Ils figurent parmi les 187 observateurs.

Pourtant, à l'issue des élections présidentielles au Gabon, en décembre 1998, la mission d'observation de la Francophonie avait déjà souligné, dans son rapport, que ''certaines dérives, constatées dans la pratique de l'observation internationale, pourraient entamer sérieusement la crédibilité de cette modalité d'accompagnement, par la communauté internationale, des processus électoraux'' en Afrique.

(FIN/IPS/AF/WA/IP/AIT/03)