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Les vrais fauteurs de l'instabilité

Le Pays (Ouagadougou) - 8 Juin 2003

Tous les malheurs actuels de l'Afrique n'ont qu'une seule et même origine : l'arrogance, l'hypocrisie et les intrusions post-coloniales de l'Occident dans tous les domaines. Le dernier exemple le plus flagrant en date nous est donné par le président français qui vient d'adresser les félicitations officielles de l'Elysée au général Eyadéma pour sa réélection à la tête du Togo.

L'empressement et le zèle de Chirac à décerner la palme d'une élection démocratique et transparente, avant même les observateurs de l'organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui s'était désolidarisée des autres groupes d'observation, sont suspects. Quand on connaît l'influence de la France sur cette organisation, celle-ci ne pouvait que se plier au diktat du président français. Plus grave, Jacques Chirac, par anticipation, devance le Conseil constitutionnel qui doit proclamer les résultats officiels du scrutin. Chirac a même eu l'indécence d'accorder une prime au mensonge dans la mesure où Eyadéma avait pris devant lui, l'engagement de ne plus se représenter. Au passage, Chirac adresse un avertissement à l'opposition qui conteste les résultats de l'élection. Certes, on n'oubliera pas de sitôt le célèbre postulat de l'hôte de l'Elysée selon lequel la démocratie est un luxe pour l'Afrique. Un véritable assommoir et un pavé dans la mare du balbutiant processus démocratique et qui avait, en son temps, caressé dans le sens du poil certains chefs d'Etat qui rechignaient à envisager tout pacte démocratique avec les citoyens. Mais, entre temps, Chirac avait réussi à redorer son blason avec ses discours tiers-mondistes et en se faisant l'avocat de la cause africaine dans les instances internationales. Il vient malheureusement de montrer son vrai visage. En bénissant le régime d'Eyadéma, Jacques Chirac vient de laisser tomber le masque d'un président qui se préoccupe peu de la couleur d'un régime, l'essentiel étant qu'il contribue à conforter les intérêts occidentaux qui ne reculent devant rien pour reconquérir leurs anciens comptoirs et paradis coloniaux plus ou moins perdus.

Dans cette reconquête du continent, le Togo, malheureusement, n'est pas un cas isolé. Il fait partie d'un ensemble de stratégies pour piller l'Afrique à l'échelle planétaire avec la complicité de certains chefs d'Etat qui, en véritables sautériaux locaux, troquent les intérêts du continent contre la pérennisation de leur pouvoir. Qu'adviendrait-il le jour où les citoyens longtemps résignés comme ceux du Togo, se débarrasseraient enfin de leur peur pour exprimer leur ras-le-bol face à ces longues années de plomb ? Nul doute que sera réédité le scénario à l'ivoirienne où au nom d'accords militaires parfois occultes, la France est intervenue, non pas en sauveur de la démocratie, mais plutôt pour imposer un pouvoir impopulaire qui offre en contre-partie l'exploitation éhontée de ses richesses dont ne profite guère la grande majorité des citoyens. Il faut dire que l'Occident aime pêcher en eau trouble, maintenir une situation d'instabilité pour justifier sa présence en Afrique et ailleurs. Pour y parvenir, la stratégie est la même. S'attacher les services de chefs d'Etat consentants, au besoin les opposer les uns contre les autres et faire miroiter devant eux l'illusion d'aider leurs Etats à se développer. C'est dans cette logique, et selon le contexte du moment, que s'inscrivaient les rapports entre le Shah d'Iran et les USA. Après avoir été leur allié inconditionnel dans la région, Washington l'a pratiquement livré à ses tombeurs, les Ayatollahs devenus aujourd'hui à leur tour leurs ennemis. Le même scénario a été utilisé pour opposer l'Irak et l'Iran, l'Union soviétique et les Talibans chassés du pouvoir par la suite. Que dire de Ben Laden, un produit de l'Amérique, aujourd'hui vomi.

En Afrique, le cas de Mobutu est emblématique. L'Occident après s'être débarrassé de Lumumba, le nationaliste empêcheur de piller en rond, au profit de Mobutu qui a dû céder son fauteuil à Laurent-Désiré Kabila lui-même remplacé par Joseph Kabila. Tout le monde connaît l'ambiance macabre qui a précédé chaque changement de régime dans ce pays. Que dire du Rwanda où un rapport de l'ONU situe clairement les responsabilités dans le génocide de 1994 ? Les exemples sont nombreux en Afrique où l'instabilité est créée et entretenue par l'Occident, avec la complicité des dirigeants, pour maintenir le continent dans son giron. Pour que cet esclavage politique puisse se consolider, il fallait l'accompagner d'une domination sociale, intellectuelle, culturelle et économique. Pour ce faire, l'Occident a réussi à inspirer certains chefs d'Etat qui se sont jetés dans une sorte de nébuleuse appelée NEPAD et considérée comme un antidote à tous nos maux. Ainsi, l'Afrique est entrain de se laisser engloutir et noyer dans un bain mondialisé où, comme le dit un expert, nous produisons ce que nous ne consommons pas et consommons ce que nous ne produisons pas.

Si nous en sommes arrivés là, ce n'est pas faute d'avoir eu des visionnaires et des hommes capables de sortir l'Afrique de son sous-développement chronique. Ils ont vite été étouffés pour laisser la place à des marionnettes qui manquent totalement de volonté politique, apeurés parce qu'ils ont quelque chose à se reprocher et parce qu'ils vont devoir rendre compte un jour devant l'Histoire. Ils espèrent, en se mettant ainsi sous le parapluie de l'Occident, pouvoir prendre une retraite politique sécurisante. Si comparaison n'est pas raison, on peut cependant établir un parallèle entre le parcours de certains pays d'Asie et celui du continent africain. Un pays comme la Corée du Sud, sortie d'une guerre il y a à peine 50 ans, s'est hissé au rang d'une Nation économiquement compétive sur l'échiquier international. Que dire de la Chine populaire ? Toute une littérature diabolisante s'était déversée sur ce pays. Aujourd'hui, de guerre lasse, l'Occident se voit obligé de courtiser Pékin.

Toutes ces nations d'Asie qui forcent l'admiration ont su non seulement préserver leur identité culturelle des influences néfastes de l'extérieur, mais elles ont également éduqué et conscientisé leurs citoyens. En Afrique, nous avons renoncé à nos valeurs cardinales en singeant servilement celles de l'Occident. Le même Occident qui, hier comme aujourd'hui, véhicule les mêmes recettes, celles de l'assujettissement avec la complicité de certains dirigeants qui acceptent sans rechigner les ajustements, structurels, l'alphabétisation au rabais et à la pelle à l'exclusion progressive de l'Education, celle qui prépare les hauts cadres, les Africains de demain et permet à l'Afrique d'entrer dans la modernité à égalité avec les autres. Quiq des opposants politiques ? Malheureusement, ces derniers aussi manquent désespérément de projets de société à l'exception de celui de la conquête du pouvoir. La conscientisation des citoyens reste le dernier de leurs soucis. Les médias occidentaux ? Des relais et des répétiteurs qui ne font que véhiculer les valeurs culturelles de l'Occident dans un contexte de déséquilibre mondial flagrant de l'Information. Quant à l'intelligentsia, elle est prête à toutes les compromissions pour assurer son confort personnel. Pauvre Afrique.