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Le temps du réveil

Sud Quotidien (Dakar) - 5 juin 2003
Le dernier mot qui revient à la Cour constitutionnelle n'y changera rien. Les résultats de l'élection présidentielle qui viennent de consacrer le général Gnassingbé Eyadéma, président de la République du Togo pour un nouveau mandat de cinq ans, seront confirmés. Toutes les dispositions ont été prises pour cela. En amont comme en aval. Ainsi, pour la troisième fois consécutive depuis 1993, année des premières élections pluralistes, Gnassingbé Eyadéma va encore sévir sur son peuple. Déjà traumatisé, meurtri et affamé par plus de trente et six ans de règne sans partage qui ont détruit l'économie, déchiré le tissu social et placé " l'ancienne Suisse d'Afrique " en queue de peloton dans le développement sur la planète, il n'y a point de doute que Gnassingbé Eyadéma, pour les cinq années à venir, en ajoutera à la misère de ses concitoyens, maintiendra davantage le Togo sous perfusion et achèvera l'espoir d'un avenir meilleur que son départ du pouvoir aurait permis de créer. Triste sort que celui de ce peuple d'une tolérance légendaire, d'une religiosité à nulle autre pareille et d'une hospitalité incomparable.

Si l'adage dit que " les peuples n'ont que les dirigeants qu'ils méritent ", ce serait faire offense aux Togolais que de leur appliquer cette " vérité ". Puisqu'au-delà des représailles, de la violence aveugle et de la barbarie sans précédent dont se sont toujours servies les autorités de Lomé pour gouverner depuis le 13 janvier 1967, date du coup d'Etat du caporal Etienne Gnassingbé Eyadéma contre Nicolas Grininsky qu'il avait aidé à prendre le pouvoir en 1963 en renversant et assassinant froidement le premier président du Togo indépendant, Sylvanius Olympio, les Togolais ont toujours eu foi au sens du dialogue, cru au consensus et plaidé pour la tolérance dans la fraternité et la convivialité. Même après l'avènement du multipartisme au début des années 1990 et qui avait ravivé les tensions rapidement réprimées dans le sang par la soldatesque du régime en place, les Togolais ont fait prévaloir le dialogue et la concertation. Aujourd'hui, ils paient le prix de cette grosse naïveté dont on ne s'est pas servi ailleurs pour chasser du pouvoir tous ceux qui, comme Gnassingbé Eyadéma, se sont imposés à leur peuple par la force des armes. Il en est ainsi de Moussa Traoré au Mali comme de Mobutu Sesé Seko de l'ex-Zaïre et de tous ceux qui leur ressemblent sur le continent.

Lorsque Gnassingbé Eyadéma va terminer ce mandat qu'il débute sous peu, il aura capitalisé 41 ans de pouvoir ininterrompu. Deux générations ou presque de Togolais n'auront connu que cette forte silhouette à la démarche bancale et au débit saccadé qui cache certainement une grosse timidité derrière des lunettes noires dont il ne se débarrasse jamais. Les Togolais vont-ils continuer à auréoler Gnassingbé Eyadéma de ce titre tristement célèbre de doyen des chefs d'Etat africains en exercice et deuxième dans le monde après le Cubain Fidèle Castro, les monarchies non comprises ? Quand est-ce que le Togo sera cité en exemple, à l'image de Sao Tomé et Principe ou du Mali où les présidents Miguel Trovoada et Alpha Oumar Konaré se sont retirés au terme de leurs mandats ainsi que l'exigeait la Constitution qu'ils n'ont pas eu besoin de modifier pour se maintenir au pouvoir ? Il n'y a que les Togolais pour répondre à ces interrogations. Car, l'appui de la communauté internationale, toujours sollicitée, ne sera fonction que des mesures que les principaux responsables auront prises. " Le cordonnier répare les chaussures à l'image de son propriétaire ", dit un proverbe bambara. Le sort des Togolais est donc entre leurs mains. La poursuite ou la fin de leur calvaire dépend des actions qu'ils entreprendront. Puisqu'il faut se rendre à l'évidence que ce que Gnassingbé Eyadéma n'a pas su faire en trente et six ans de pouvoir, il ne le pourra jamais en cinq ans. Quel que soit le miracle qu'il va sortir.

En attendant, on se serait bien passé de cette élection dont l'issue était déjà connue à l'avance. Une élection qui n'honore ni le Togo, ni le continent africain encore moins la démocratie de façon générale. N'en déplaise aux observateurs bien souvent " étranges " qui l'ont jugée " équitable ", " transparente " et " juste ". Heureusement que la Francophonie ne s'est pas jointe à ce concert de voix aux intentions tout aussi douteuses que le scrutin du 1er juin dernier qui n'a eu qu'un seul mérite : donner une caution politique à Gnassingbé Eyadéma. Pour qu'au prochain sommet de l'Union africaine à Maputo (Mozambique), il ne soit pas déclaré persona non grata. Une grosse raclée dont " Papa " Eyadéma se passe très volontiers. Après tout ce qu'on dit qu'il a fait pour le continent.


Oumar Kouressy