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Les évangélistes des feux tricolores de Lomé

CHRONIQUE - Autres
On les trouve presque à tous les feux tricolores et aux grands arrêts de bus de Lomé, la capitale togolaise. La bible à la main, distribuant parfois des traités bibliques ou autres prospectus religieux, munis de mégaphone ou non, ils ameutent les passants au cri de la parole de Dieu. Ce sont les nouvelles vagues d’évangélistes qui écument les principaux carrefours de Lomé. Pour les intéressés, ils exécutent l’ordre suprême du Seigneur Jésus Christ, celui d’aller et de faire de toutes les nations des disciples. Mais pour beaucoup de leurs concitoyens, ils sont des « troubleurs de l’ordre public ».
 N’empêche, cette nouvelle façon de prêcher la parole de Dieu prend de l’ampleur à Lomé et certains citadins se prononcent là-dessus. « Tout le monde n’a pas le temps d’aller à l’église les dimanches et en passant dans la rue si on peut écouter la parole de Dieu ça ne peut que faire du bien à son âme », raconte Félicité, employée dans un établissement hôtelièr de la ville. Pour sa part, Tina, revendeuse des fruits au marché de Hanoukopé est d’avis avec ces évangélistes et estime que « Ce n’est pas la longueur du message qui est important. Il suffit de capter un bout de phrases, le reste c’est le Seigneur qui convainc les cœurs ».

« Dieu a dit d’aller et de faire de toutes les nations des disciples mais comment y aller ça n’a pas été dit. Ce qui est sûr on doit aller évangéliser ceux qui ne connaissent pas Dieu. C’est sur cette base que ceux qui évangélisent au bord des feux rouges (ndlr, tricolores) le font. Je ne trouve rien à dire pourvu qu’ils gagnent des âmes », confie Joachim, un fidèle d’une grande église du Togo. Mais l’inconvénient, poursuit-il, « c’est qu’il y a des gens qui sont à côté perturbés, gênés un tout petit peu par la manière bruyante avec laquelle la parole de Dieu est transmise. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Je ne saurais le dire. Mais je sais qu’on doit se confier à une force suprême qui est Dieu. Si les gens ne connaissent pas Dieu il faut que quelqu’un le leur en parle ».

Autre voix : « La confession se produit étape par étape. Elle ne se produit pas de façon instantanée. Il faut aborder la personne à plusieurs reprises avant qu’elle ne se décide à confier sa vie à Dieu. Mais rester au bord de la route pour faire des évangélisations, je crois qu’on risque de causer des accidents de circulation au lieu de chercher à sauver des vies humaines », souligne Mickaël, un étudiant en faculté de Droit à Lomé.

« Parler de Dieu c’est une bonne chose mais je crois qu’il faut un cadre propice pour le faire. Evangéliser ce n’est pas racoler sur une chaussée. Même si nous avons ‘chaussée’ que de nom. Un usager de la route qui s’arrête à un feu tricolore a en tête que les feux virent au vert pour démarrer il n’a pas sa tête pour écouter un quelconque message, fut-il venant de la part de Dieu», déclare amèrement Patrice qui avoue avoir été cocufié par un pasteur sans scrupule.

« Quand je circule en ville moi aussi je vois ces messieurs et dames qui font de l’évangélisation aux feux tricolores et ça me laisse perplexe. Je me suis renseigné de savoir si les Blancs qui nous ont envoyé la Bonne nouvelle procèdent ainsi on m’a répondu que pas autant. Moi j’avoue que je suis un peu gêné que des gens se livrent à ces genres d’évangélisation. Et je me pose souvent la question de savoir s’ils ont toutes leurs facultés. Mais aujourd’hui, le constat est que cette forme d’évangélisation se multiplie dans notre pays et je ne sais pas où les nôtres l’ont trouvée aussi agressive. Mais si tu veux en parler ils te diront que c’est Dieu qui leur a demandé de procéder ainsi et que tu es le fils du Satan. Alors, je dis évoluons », a déclaré Jacob, un animateur radio.

« Combien de temps dure un feu rouge avant qu’il ne vire au vert ? A peine une minute. Combien de messages les automobilistes peuvent-ils entendre ? Et puis ceux qui annoncent ces messages se trouvent à des endroits inappropriés. Un messager a failli se faire renverser récemment par un taxi moto zémidjan lorsqu’il voulait remettre un prospectus », confie dubitatif Alice qui ne croit pas à la force de persuasion de ces messages.

Toujours est-il que prêcher au marché, aux abords des artères de circulation, des lieux autrefois considérés comme très bruyants et inappropriés pour ce genre d’activités, est de nos jours très prisé par les évangélistes.