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Affaire Kpatcha : Le grand déballage a commencé sous haute surveillance

Societe
Hier, déjà à 6 heures, les environs du Palais de justice de Lomé étaient bondés de monde. Contrairement à la séance du 1er septembre, des barricades ont été érigés entre 200 et 300 mètres du tribunal. L’accès a été un parcours de combattants. Même des journalistes badge en main, se sont vus, peu après 6h30, interdire l’accès du Palais de justice, sous prétexte qu’il fallait venir plus tôt. Même des fonctionnaires de la Justice tels que des greffiers, arrivés avant 7h à leur lieu de travail, ont été empêchés d’entrer tout comme les hommes de média. Les explications et supplications auront duré pendant au moins un quart d’heure avant qu’on ne leur ouvre le portail. Les fouilles ont été multipliées par deux, voire trois.
  La question s’est posée de savoir pourquoi les mesures ont été moins draconiennes la première fois par rapport à hier. De l’avis de certains, le pouvoir aurait voulu rendre le coup encaissé la première journée où les prévenus ont été plus relaxes, très à l’aise, donnant l’impression de n’avoir rien à se reprocher. Le constat que beaucoup ont eu à faire, c’est que des gens auraient été convoyés juste pour noyer les applaudissements destinés aux prévenus. Finalement, la Cour a interdit les manifestations de soutien. Plusieurs centaines de personnes n’ont pas pu franchir les barricades, parce qu’elles n’avaient pas pu présenter un titre d’accès. Pourtant, pendant plusieurs heures, avec l’espoir d’obtenir une éventuelle faveur qui ne viendra jamais, de nombreux curieux ont été bloqués au niveau des barrières sous surveillance policière.

Après le report du procès pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat le jeudi 1er septembre 2011, la séance a repris hier matin devant la Chambre judiciaire de la Cour suprême peu après 8 heures. Passé le contrôle de la présence des prévenus, on a fait retirer les trois témoins que sont le Général Titikpina, le Col. Kadanga et le Col. Rock Gnassingbé. Après les préliminaires, lecture a été donnée des dépositions faites par les prévenus. Dans l’ensemble, de graves et compromettantes révélations auront été faites. Et la question qui se pose est celle de savoir dans quelles circonstances ces aveux ont été faits et si aujourd’hui, soit plus de deux ans après, chacun se reconnaît dans ses propos. La dernière personne à avoir été arrêtée dans l’affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat se trouve être le Général Assani Tidjani, ancien Chef d’Etat major général des Forces armées togolaises et ancien Ministre de la Défense et des anciens combattants.

Dans sa déposition faite le 21 juillet lors de son arrestation, il n’aurait pas reconnu les faits devant le magistrat instructeur. L’une des dépositions lues à l’audience l’a présenté comme celui dont émanerait le plan stratégique. D’après le Général, il avait quitté le Togo le 10 avril 2009, donc absent du pays au moment des faits et s’est rendu à Abeokuta au Nigeria avec Obasanjo. De là, ayant appris la nouvelle, il avait appelé le chef de l’Etat pour s’enquérir de la situation à Lomé. Ce dernier l’avait rassuré que c’était calme. Il lui avait promis qu’il rentrerait dès que possible. Déjà le 14 avril, il rentrait à Lomé, plus tôt que prévu. Le Général a déclaré qu’il n’a jamais poussé Kpatcha Gnassingbé à faire un coup d’Etat. Il a rejeté avoir dit à Kpatcha que, tant que Faure Gnassingbé sera au pouvoir, il ne règlera jamais les problèmes de la famille. Il n’a jamais dit qu’il était mécontent de ce qui lui était arrivé au Bénin. Pour des raisons de convenance personnelle, il a reconnu s’être écarté depuis 2008 de Kpatcha Gnassingbé.

Après lecture de l’acte d’accusation, Gnassingbé Essolissam a été le premier à être appelé à la barre. C’est alors que, Me Djovi Gally a demandé à prendre la parole avant lui, pour quelques préoccupations. Me Charrière Bournazel, compte tenu du délai trop court du dernier renvoi qui ne permettrait pas de prendre connaissance du dossier et pouvoir prendre part au procès, sollicitait qu’on repousse le procès à la semaine du 26 septembre. A cet effet, un courrier a été adressé au Président de la Cour suprême que celui-ci a lu à l’assistance. Par ailleurs, Me Gally a présenté la demande de Me Mario Stasi qui a manifesté son désir de se constituer et arriverait à Lomé en temps opportun.

Me Ajavon Zeus, pour l’intérêt de tous les accusés, a appuyé la requête de son collègue et souhaité que tous les avocats puissent être là. Après l’intervention du juge Pétchélébia et de l’avocat général, le très zélé avocat béninois Dossou interviendra pour demander à la Cour de rejeter catégoriquement cette demande de renvoi, insistant sur le manque d’égard aux avocats de la partie civile à qu’ils n’ont jamais tenu informés de ces situations. Pour les avocats de la défense, un tel manque d’égard évoqué s’explique par le fait que la constitution d’avocats de la partie civile n’a pas de raison d’être, compte tenu du cas en présence.

Me Djovi Gally revient à la charge et insiste sur la souveraineté de la Cour. Et comme pour user de sa souveraineté, le juge rejette la requête des avocats de la défense. Me Attoh-Mensah demande la parole et soulève l’exception d’inconstitutionnalité. Me N’Djellé prenant à son tour la parole, demande le rejet de l’exception d’inconstitutionnalité pour la simple raison qu’elle a été soulevée tardivement. Dans la continuité de la bataille juridique entre avocats, Me Jonas Sokpo a invité la Cour à ne pas se laisser induire en erreur par les propos de la partie civile. Il a alors insisté sur le terme « in limine litis ». Le zélé et irrévérencieux avocat à l’égard du peuple togolais contre-attaque en se servant de « son argument passe-partout » que constitue l’affaire Gbadamassi au Bénin, sa nouvelle jurisprudence toute trouvée.

Me Attoh-Mensah intervient : « Nous ne sommes pas ici au Bénin. Et c’est le texte de la loi fondamentale toilettée qui est responsable de cette situation au Togo ». Selon Me Sanvee de la partie civile, cette exception d’inconstitutionnalité ne doit pas prospérer, car l’ordonnance de renvoi est mise en cause et l’on remet en cause la compétence de la Cour suprême. Réplique de Me Amékoudji qui s’est souvenu des précédents cas de coup d’Etat au Togo, où il n’y avait pas de constitution de partie civile et c’était le Commissaire du Gouvernement qui avait joué le rôle de partie civile. Par conséquent, la Cour doit se déclarer incompétente.

L’avocat général Komlan Missité rejette l’exception d’inconstitutionnalité et le président de Cour parle, lui, de verser l’exception évoquée dans les débats au fond. A cela Me Attoh-Mensah réagit en relevant l’anomalie que constitue le versement des observations au fond. Pour Me Gally : « il y a des exceptions qu’on ne puisse joindre au fond de manière automatique, notamment le flagrant délit qui en la matière n’est pas constitué, et l’immunité de Kpatcha. La Cour n’a pas compétence à statuer sur la constitutionnalité. Il faudra qu’elle sursoie à statuer et se réfère à la Cour constitutionnelle. Car c’est un débat politique qui engage la nation : est-ce qu’au Togo, on peut juger un député sans levée d’immunité ? », s’est-il demandé.

Selon Me Ajavon, si les exceptions soulevées ne peuvent pas être prises en compte, alors les avocats de la défense se retirent. A cela le président de séance, le juge Pétchélébia qui semble avoir pris son parti en se cachant sous une hypothétique volonté de rendre une justice équitable qu’il n’avait arrêté de clamer depuis le premier jour, à qui veut l’entendre, déclare : « si vous vous retirez, la Cour est souveraine ! ». Sur ce, les avocats de la défense se sont retirés, la Cour de son côté s’est aussi retirée pour une demi-heure. Il était 11h 30.

Les révélations accablantes dans la déposition du capitaine Dontéma

. Les Colonels Kadanga, Massina et Yark cités comme préparant aussi un putsch contre Faure Gnassingbé


Selon les révélations faites par le capitaine Dontema dans sa déposition lue par le président de la Cour suprême – sous réserve d’une authentification afin de vérifier les conditions dans lesquelles elles ont été faites -, Kpatcha Gnassingbé ne serait pas la seule personne à vouloir déposer son frère aîné Faure Gnassingbé. Plusieurs officiers des Forces armées togolaises (FAT), mécontents de la manière dont le pays est gouverné, auraient mis sur pied des groupes en vue de déposer Faure Gnassingbé et de s’emparer des institutions de l’Etat.

Entre autres groupes cités par les prévenus, celui du commandant de la Gendarmerie nationale, Yark Damehane et du commandant de la Force d’intervention rapide (FIR), Félix Kadanga, de Massina Yotroféï qui voudrait lui aussi goûter aux délices du pouvoir et celui de Rock Gnassingbé.

Le premier groupe, celui de Yark et Kadanga, serait mécontents parce qu’ils auraient été cités dans des affaires de poudre blanche et redoutaient qu’on les livre entre les mains de la Justice. Faure Gnassingbé, sous la pression des Américains, avait bien envie de livrer ces officiers entre les mains de la Justice, même s’il hésitait un peu à le faire. Craignant cette éventualité, ces derniers auraient voulu anticiper en prenant les affaires en mains. Selon le Capitaine Dontema, les rancoeurs du Colonel Félix Kadanga contre le chef suprême des armées va bien au delà. Celui-ci reprocherait à Faure Gnassingbé de n’avoir rien fait pour empêcher la commission d’établissement des événements de 2005 de l’ONU, de le citer dans son rapport comme étant l’un des bourreaux des citoyens togolais. En plus, on l’aurait empêché d’aller suivre une formation au Maroc parce que son nom serait cité dans des trafics de drogue dans le pays. L’homme n’aurait pas digéré ce qui s’apparente à une trahison de la part de Faure Gnassingbé et serait partant pour que celui-ci soit déposé.

On apprend aussi qu’en 2007, le Colonel Rock aurait été sur le point de déposer son frère lorsque ce dernier était en villégiature en Italie et que c’est le Général Béréna qui l’en aurait dissuadé.

A tout ces groupes, apprend-on de ce procès, est venu s’ajouter le groupe de Kpatcha Gnassingbé, qui, à ce qu’on dit, était plus déterminé à en finir une fois pour de bon avec le régime de Faure Gnassingbé pour sa couverture des narcotrafiquants de l’armée, mais également pour le fait que celui-ci avait abandonné la grande famille Ganssingbé à elle-même et s’était entouré de courtisans « qui l’ont préparé spirituellement ».

A la lecture de cette déposition, le capitaine a fait savoir qu’il ne pouvait pas parler en l’absence de ses avocats : « La nuit est avancée, le jour approche. Détournons-nous des flammes de lumières. Je viens d’un enfer terrestre, j’ai rencontré le démon, j’ai refusé de lui serrer la main. Il a un visage, son nom c’est Yotroféï Massina », a-t-il dit tout court.



Au cœur du « Kpatchagate »

Essolissam Gnassingbé reconnaît les faits et charge son demi-frère



Le procès du siècle au Togo a repris hier au Palais de justice de Lomé avec son lot de révélations croustillantes. En dehors d’un dispositif sécuritaire digne des films hollywoodiens avec des agents des forces de l’ordre habillés tels des ninjas et perchés sur des immeubles armes au poing, des détecteurs de métaux installés à toutes les entrées et une présence policière à dissuader le public, le procès en lui-même s’est déroulé sans grande anicroche hormis le retrait des avocats de la défense des travaux et l’expulsion de Me Zeus Ajavon de la salle.

Au cours du procès, plusieurs détenus ont refusé de faire des déclarations en l’absence de leurs avocats qui se sont retirés pour protester contre le refus de la cour de prendre en compte l’exception de constitutionnalité qu’ils ont soulevée in liminetis pour contester sa compétence à connaître de l’affaire.

L’avocat général s’est alors contenté des déclarations contenues dans les dépositions faites par les détenus lors de l’enquête préliminaire pour éclairer le public. Selon certaines de ces déclarations, courant 2007, plusieurs personnes au Togo, en l’occurrence des hauts gradés des FAT avaient voulu renverser les institutions de la République.

Le Colonel Rock Gnassingbé, d’après les déclarations d’Esso Gnassingbé lues à l’audience, aurait mal digéré son éviction de la présidence de la Fédération togolaise de football (Ftf). Ainsi, de concert avec Kpatcha, il aurait décidé de déposer son demi-frère Faure Gnassingbé, mais en fut dissuadé par le Général Béréna de passer à l’acte.

Toujours d’après les déclarations d’Esso Gnassingbé, plusieurs sommités de l’Etat togolais seraient mêlées à des affaires de poudre blanche. Celui-ci cite entre autres noms, le Général Atcha Titikpina, les Colonels Kadanga et Massina, un certain Kanikatoua et Awizoba. Titikpina, d’après Esso Gnassingbé avait décidé lui aussi, de fomenter un coup contre Faure Gnassingbé qui voulait livrer les officiers « caïd » à la Justice pour répondre de leurs actes. Dans le cadre de ce projet, il aurait fait venir sept (07) marabouts à son domicile en vue des préparations spirituelles nécessaires avant de passer à l’acte.

Esso Gnassingbé, interrogé par l’avocat général sur cette déposition, déclare l’avoir faite sous le coup de la torture. Ce qui enlève tout sérieux à ces déclarations. « C’est sous l’effet de la torture à l’ANR que j’ai dit tout cela », a-t-il fait savoir.

La même révélation est faite par le gendarme reformé, Sassou Sassouvi qui a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés. « Je ne reconnais aucun des faits qui me sont reprochés aujourd’hui, mais je reconnais qu’on m’a torturé à l’ANR ». Selon lui, tous les repas qui leur étaient envoyés étaient confisqués par les agents de l’ANR qui les dégustaient au vu et au su de tout le monde. Les prévenus, d’après Sassouvi, étaient enchaînés, à l’ANR à des poteaux plusieurs jours durant sans alimentation. « Vous allez sentir mon sadisme », leur dit le Colonel Massina à leur arrivée dans les locaux du Guantanamo togolais. « « Si vous voulez, vous pouvez me traduire devant le TPIR », nous a également déclaré le Colonel Massina. Shuaaan ! Il n’est même pas intelligent, il ne sait pas que le TPIR c’est pour le Rwanda », a souligné le prévenu avant d’ajouter qu’ils étaient permanemment enfermés dans des cellules sans possibilité de voir le soleil. « Esso Gnassingbé s’est écroulé après cinq jours passés sans manger et attaché à un poteau. Kadanga m’a torturé, Massina m’a torturé ».

Essolissam Gnassingbé, l’autre demi-frère de Faure Gnasingbé reconnaît quant à lui, les accusations qui sont portés contre les prévenus. Il a déclaré que le député de la Kozah préparait en réalité un coup tout en affirmant n’avoir pas été associé à toutes les phases de sa préparation. Il n’avait que des informations parcellaires et Kpatcha Gnassingbé rechignait à le mettre au fait des préparatifs.

Contre ces accusations, l’avocat général Missité a produit un certificat médical qui soutient que les détenus étaient bien portants et n’auraient en aucune manière été torturés. « Selon Esaïe 10 verset 1, malheur au juge inique », a déclaré le détenu pour protester contre cette manœuvre du Parquet tendant à faire croire qu’ils n’auraient jamais été torturés. « Ce sont les chants et les prières qui nous ont maintenus en vie », a laissé entendre Sassouvi Sassou.

Kassiki Esso, lui dit avoir été enlevé en Côte d’Ivoire et torturé dans les locaux de l’Anr sur ordre d’Atcha Titikpina. « J’étais aspergé d’eau froide de 18 heures à 6 heures du matin. Atcha Titikpina avait donné l’ordre qu’on me torture. Je suis resté six jours sans me doucher, ni manger ».

Le Capitaine Bagoubadi Gnassingbé désigne lui aussi l’Anr comme un centre de torture par excellence au Togo.

Selon Abalo Péthélébia, le président de la Cour suprême, il n’y avait aucune preuve attestant que les prévenus auraient été torturés. Ce qui est constant, relève-t-il, c’est qu’ils ont fait leurs déclarations devant les juges sans être soumis à des tortures lorsqu’ils les faisaient. Les débats se poursuivent aujourd’hui.


Alain SIMOUBA & Olivier A.