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Rapport 2010 de Transparency International : Le Togo parmi les quarante-quatre (44) pays les plus corrompus au monde

Economie et Finances
Que devient la Coalition nationale contre la corruption annoncée en 2008 par Faure ?

 L’ONG Transparency International a rendu public mardi son rapport 2010 sur l’état de la corruption dans le monde. Le Togo est classé 134ème sur 178, tout comme le Nigeria. Un rang logique quand on sait qu’ici, c’est avec les mots qu’on lutte contre la corruption.

Etat des lieux

Le rapport 2010 de Transparency International conclut que le phénomène de la corruption n’a épargné aucun des 178 Etats dans lesquels ils ont enquêté. Des Etats jusque là réputés ardents défenseurs des principes de la bonne gouvernance et de la transparence sont épinglés tout comme les pays en voie de développement.

Selon le classement établi par l’ONG dont le siège se trouve à Berlin, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et Singapour arrivent en tête des pays perçus comme parmi les moins corrompus. La France est classée 25ème.

Il est mentionné que certains pays dont le Bhoutan, le Chili, l'Équateur, la Macédoine, la Gambie, Haïti, la Jamaïque, le Koweït, et le Qatar, ont amélioré leur score depuis 2009. En revanche, la perception de corruption s'est accentuée dans des pays tels que la République tchèque, la Grèce, le Hongrie, l'Italie, Madagascar, le Niger, et les États-Unis, précise le rapport.

En outre, Transparency International fait remarquer que ce sont les pays en conflit qui sont le plus affectés à l’exemple de la Somalie qui occupe le premier rang parmi les pays les plus corrompus, suivi d’Afghanistan et de la Birmanie qui totalisent la même note. Les meilleurs élèves de l’Afrique sont le Botswana (33ème), l'île Maurice (39ème) et le Cap-Vert (45ème) classés parmi les moins corrompus. Mais c'est le Rwanda qui fait une remontée fulgurante (de la 89ème à la 66ème place), ayant mis en place et appliqué scrupuleusement « la tolérance zéro » contre la corruption.

Quant au Togo, il est classé 134ème avec l’indice 2.4 alors que le Ghana, le Burkina Faso et le Bénin - ses voisins immédiats – occupent respectivement les 62ème, 98ème et 110ème rangs. Même le Libéria qui a connu plusieurs années de guerre civile est classé 87ème.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’entre 2009 et 2010, le phénomène de la corruption s’est empiré au Togo. En 2009, le Togo était classé 111ème sur 180 pays concernés par les études de Transparency International. En un an, le pays perd donc 23 places au classement.

Des discours contre la corruption au Togo

Comme solution au phénomène de la corruption dans le monde, Transparency International plaide pour une mise en œuvre plus stricte de la Convention des Nations unies contre la Corruption, initiative internationale offrant un cadre permettant de réduction la corruption. Justement, en juin 2008, le Togo avait organisé un atelier sur la mise en œuvre de cette convention, atelier auquel avaient assisté des délégations de l’ONU et Transparency International. A cette occasion, le Premier ministre d’alors, Komlan Mally, a lu un discours que devait en principe prononcer le chef de l’Etat lui-même qui était, ce jour-la, en voyage à New York.

« La corruption est aussi vieille que le monde. Née avec la civilisation, elle a traversé les temps et la voilà qui menace les assises même de nos nations. Les dégâts qu'elle provoque ont un impact amplifié et beaucoup plus nuisible dans les Etats peu nantis comme le nôtre. Dans nos pays, elle est effectivement la première cause de dissipation de deniers publics, d'aggravation de la précarité et de dégradation des mœurs. La corruption favorise la grande criminalité allant du trafic de drogue au terrorisme, au blanchiment d'argent, à la traite des enfants, etc. », avait-il introduit. Après avoir abordé les actions de la très décriée Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique mise en place en 2001 et présidée par un certain Assiongbor Folivi, il s’est appesanti sur la Convention des Nations unies contre la corruption dont « la ratification par notre gouvernement constitue un véritable tournant dans la modernisation de la stratégie de lutte contre la corruption ».

« Pour organiser la prévention et la répression de la petite et de la grande corruption, il est nécessaire de mettre en place un organe spécial dont la création et le fonctionnement seront déterminés par la loi et au sein duquel seront représentés les différents corps de l'Etat et particulièrement la société civile. Cette nouvelle institution aura pour objectif une tolérance zéro de corruption dans notre pays », avait martelé le chef de l’Etat via son Premier ministre. Et d’enfoncer le clou : « Il n'échappe à personne que certains cadres en qui le gouvernement a placé sa confiance, au lieu de servir la population, vont eux-mêmes se servir d'abord, s'ingéniant à trouver les moyens pour spolier l'Etat. La corruption, peu à peu, gagne du terrain et devient endémique. Utilisant des techniques savamment mises au point, les réseaux de corruption agissent dans l'ombre et organisent le détournement, à leur profit personnel, des maigres ressources de l'Etat. Une partie de ces irrégularités est imputable aux conseils d'administration qui ne jouent pas bien leur rôle de contrôle. Pourvu qu'ils touchent leurs jetons de présence, ils se plient à toutes les volontés des directeurs généraux et oublient la nécessité d'un bon rendement de ces sociétés ».

Le renforcement de la lutte anti-corruption, avait-il dit, est un volet essentiel des réformes structurelles qu’il s’est engagé à conduire afin que les idéaux de bonne gouvernance, d'intégrité, de transparence, de respect de biens publics, de conscience professionnelle, et d'esprit civique soient notre aspiration commune dans la conduite des affaires de l'Etat. « La lutte anti-corruption est donc un enjeu national qui doit rassembler toutes les Togolaises et tous les Togolais. Chacun doit prendre conscience de la gravité de ce phénomène. Le peuple doit être le premier à dénoncer les pratiques frauduleuses et des dispositions particulières doivent être prises pour la protection des dénonciateurs », avait-il souligné avant d’annoncer la constitution d'une coalition nationale contre la corruption.

Le chef de l’Etat avait même adressé un avertissement à ceux qui se livrent à ces pratiques illicites : « Devant les conséquences graves de la corruption et des pratiques illicites, ma détermination ainsi que celle du gouvernement à mener une croisade farouche contre ces maux doivent être bien comprises par tout le monde. Personne n'est au dessus de la loi et tous les coupables, quels qu'ils soient, devront subir les rigueurs de la loi. Cette action de salubrité publique serait un leurre si la corruption judiciaire n'est pas combattue avec la dernière rigueur. En conséquence, la justice est appelée, elle aussi, à faire sa révolution morale et à conduire à bien le projet de modernisation que j'ai inauguré ici même il y a quelques mois afin que la lutte anti-corruption devienne enfin une réalité dans ce département clé ».

La même détermination de lutter contre la corruption a été affichée par le successeur de Komlan Mally, le Premier ministre Houngbo, dans une allocution prononcée lors de la Journée mondiale contre la corruption le 9 décembre 2008. « Le non de chacun compte. Celui de l’homme de la rue, du comptable, de l’agent de police, du douanier, du député, du membre du gouvernement compte », avait dardé l’ancien Directeur Afrique du PNUD. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, notre préoccupation est de mettre sur pied une nouvelle commission anti-corruption, composée en majorité des représentants de la société civile, du secteur privé, des medias, avec une compétence plus étendue et des capacités consolidées ».

Un phénomène qui prend de l’ampleur

« Accepter que la corruption perdure est inacceptable ; trop de personnes pauvres et vulnérables dans le monde continuent à souffrir de ces conséquences. Nous avons besoin de voir une mise en oeuvre plus importante des règles et lois existantes », a déclaré à l’occasion de la publication du rapport la présidente de Transparency International, Huguette Labelle. En revanche, ce ne sont qu’avec les mots que les autorités togolaises s’emploient à lutter contre la corruption. Pas d’actions concrètes dans le domaine. A voir les choses de près, les sorties solennelles de 2008 avec le chef de l’Etat via Komlan Mally et avec Gilbert Houngbo n’avaient visé qu’à mystifier la communauté internationale. Sûrement que ces bonnes intentions ont été décisives dans le meilleur classement du Togo en 2009.

La « tolérance zéro de corruption » proclamée en juin 2008, se révèle finalement comme un rêve qui reste dans la panse du chien. Aucune initiative n’est prise dans ce sens et les conclusions de l’atelier sont envahies par les toiles d’araignée dans les placards. La Cour des comptes mise en place aux forceps, est dominée par les barons de régime et des anciens membres des conseils d’administration qui « touchent leurs jetons de présence, se plient à toutes les volontés des directeurs généraux et oublient la nécessité d'un bon rendement de ces sociétés ». Plus d’un an après son installation, cette structure n’a pas encore rendu public son rapport.

Qui plus est, le phénomène prend de l’ampleur et concerne toutes les sphères de l’Etat. Tous ceux qui avaient tenu les discours de fermeté, se taisent et profitent du désordre. Et les résidences privées poussent comme des champignons. Même le Pnudien n’est pas du reste.

Les marchés sont offerts dans l’opacité la plus totale. La sommation de la Banque mondiale concernant le contrat signé entre le Togo et le groupe Orange en est la preuve. L’attribution des marchés gré à gré bat son plein et les plus offrants sont les mieux servis.

« Cette action de salubrité publique serait un leurre si la corruption judiciaire n'est pas combattue avec la dernière rigueur », avait vu à juste titre le chef de l’Etat. Mais la corruption règne en maître au sein de l’appareil judiciaire. Aujourd’hui, en complicité avec des magistrats et des avocats véreux, certains individus n’hésitent pas à remettre en cause la vente de terrain opérée par ses parents et mener ainsi la vie dure aux occupants. Ce phénomène gagne du terrain un peu partout à Lomé. L’invasion des espaces publics et des réserves administratives est aussi favorisée par les mêmes personnes. C’est aussi grâce à la corruption que des étrangers sont devenus aujourd’hui plus puissants que les Togolais et commencent à s’emparer des terrains dans tous les coins de Lomé.

On peut multiplier les exemples dans tous les domaines. La corruption est bien là. Lorsque Reporter Sans Frontière a publié son rapport dans lequel le Togo a gagné quelques places, on a vu le boucan que les autorités togolaises ont fait. Même le ministre de la Communication a dû se prêter mercredi à une session de rattrapage. Gageons que le gouvernement fera la même campagne autour de ce classement de Transparency International.

R. Kédjagni