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Société: Des fonctionnaires à la fois zémidjans, conducteurs de taxi motos

CHRONIQUE - Autres
 A la faveur de la grève générale illimitée lancée le 16 novembre 1992 par le CSI et le COD II, un nouveau corps de métier naissait au Togo. Il s’agit des conducteurs de taxi motos communément appelés « zémidjan » ou « oléyia ». La grève avait paralysé presque tous les secteurs d’activités notamment celui des transports et il était difficile de trouver un moyen de déplacement pour relier les points de la ville de Lomé en particulier.

C’est ainsi que certaines bonnes volontés ont mis à la disposition de la population leur engin à deux roues. En le faisant, elles ignoraient qu’elles donnaient naissance à un corps de métier qui va prendre de l’ampleur et employer aujourd’hui des milliers de personnes comme au Bénin voisin, pionnier en la matière.

Le zémidjan est devenu aujourd’hui un métier qui a englouti plusieurs diplômés sans emploi et des chômeurs. Hormis ceux qui exercent ce métier en plein temps, d’autres sont des intermittents. Parmi cette dernière catégorie figurent en bonne place les apprentis et surtout les fonctionnaires qui font du zémidjan, une fois sortis du travail.

Pour ce fonctionnaire en poste à la direction de l’Urbanisme à Lomé, il est entré dans ce métier par accident car beaucoup plus la volonté d’apporter assistance aux passagers qu’il rencontre sur le trajet menant de son domicile à son lieu de travail qu’ à un soucis de gain qui l'a amené là. Il est souvent difficile de trouver des transports en commun aux heures de pointe desservant les banlieues de Lomé. Des centaines de fonctionnaires se massent le long des voies à la recherche d’un hypothétique taxi. "Pendant que des gens sont à la recherche de taxi moi je suis seul sur ma moto. C’est ainsi qu’un jour, n’ayant rien dans la poche pour assurer mon retour, j’ai décidé de prendre un passager qui allait dans la même direction que moi". Il venait alors d'entrer dans la catégorie des fonctionnaires conducteurs de taxi moto. "Depuis ce jour, j’ai pris goût à la chose et il m’est difficile de s’en passer. J’en ai même fait mon second métier puisque quand je sors du service je prends les passagers pour ne renter à la maison que vers 22 heures, épuisé". Malgré la fatigue, il n’envisage pas d’abandonner ce nouveau métier qui est d’un apport inestimable pour lui.

Le phénomène est tentant et beaucoup de fonctionnaires surtout ceux qui ont une moto résiste difficilement. Et lorsqu’on est piqué par le virus, il est difficile de s’en sortir. C’est le cas de cet enseignant du secteur privé dans un établissement secondaire de Lomé. La plupart des enseignants qui officient dans ce secteur au Togo ne perçoivent pas leur salaire pendant les vacances. A défaut de dispenser des cours de remise de niveau ou cours de vacances, ils sont à la merci du besoin en cette période. « J’ai estimé que ce que je gagnerai journalièrement en faisant zemidjan dépasserai ce que gagnerait mes camarades tout un mois en dispensant des cours. Donc, j’ai choisi de faire autre chose en faisant du zémidjan avec ma moto et je ne regrette pas mon choix. J’avoue même qu’il m’a été difficile de reprendre les cours à la fin des vacances vue ce que j’ai pu tirer de cette activité par rapport à ce que je gagnais en tant qu’en enseignant dans le privé".

Même si ce "métier secondaire" lui procure beaucoup de sous, il reconnaît qu’il y a des risques dans sa pratique et qu’il n’honore pas un fonctionnaire, surtout un enseignant. « Je suis obligé de dribbler mes élèves lorsque je les croise en pleine activité. Mais une fois sans le savoir, j’ai remorqué une élève de mon établissement. C’est quand elle m’a interpellé en cours de trajet en disant « Titcha wô blèwou né doa » (Teacher ’enseignant’ soit attentif au trou) que j’ai su. Et je ne sais comment j’ai pu conduire pour arriver à destination. J'ignore également si j'ai pu empocher son argent».

Les fonctionnaires civils ne sont pas les seuls à être piqué par le virus de taxi moto, même les hommes en uniforme s’adonnent à ce métier de façon périodique. « Une nuit, j’ai interpellé un zémidjan qui s’est arrêté devant moi. A ma grande surprise c’était un militaire, se rendant compte que ce n'était pas celui que je cherchais je lui ai dis que je suis à la recherche d’un taxi-moto, il me dit de monter. J’ai cru sur le champ qu’il voulait me rendre service mais une fois qu’on s’approchait de la destination, il m’a fait le prix », affirme Koffi étonné.

Beaucoup de passagers affirment avoir été remorqués la nuit par des militaires en tenue civile ou, rarement, en uniforme.

La crise doublée de la vie chère, le salaire du fonctionnaire togolais devenu dérisoire ne lui permet pas de subvenir à ses besoins. Ils sont nombreux à mener des activités parallèles pour joindre les deux bouts. Parmi ces activités parallèles, figure en bonne place le taxi moto Zémidjan.
On estime à plus de 170.000 zémidjans au Togo dont plus de 50.000 uniquement à Lomé, selon les statistiques du Collectif des organisations syndicales des taxi-motos du Togo (COSTT). L’ensemble de ces zémidjans totalise un gain annuel de plus de 86 milliard de F CFA, soit environ 553.500 F CFA par conducteur de moto, affichent également les mêmes statistiques du COSTT.