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Dépigmentation: qu’est-ce qui fait courir les femmes togolaises vers les produits éclaircissants?

CHRONIQUE - Beauté
Apparu dans les années 80 au Togo, le phénomène de la dépigmentation touche aujourd’hui les femmes de toutes les couches sociales et classes d’âge. Les produits cosmétiques éclaircissants pullulent dans les boutiques et sur les étales des marchés et se vendent comme de petits pains. Toute une panoplie de laits, de lotions, crème et savons est proposée aux candidates à la dépigmentation. Certaines femmes n’hésitent pas à recourir aux produits toxiques et cancérigènes comme l’eau de javel et la solution de lavage des pellicules photo pour accélérer le processus. La question que l’on se pose est de savoir ce qui pousse ces femmes à s’adonner à cette pratique.

 Dans l’inconscient collectif des Africains, la peau blanche est synonyme de la grandeur d’esprit, de richesse et de beauté. Malgré les indépendances, les Africains ont encore le complexe d’infériorité face à l’ancien maître Blanc. Dans le Sud-Togo, il suffit qu’un enfant, qu’il soit fille ou garçon, ait un teint un peu clair pour qu’on le surnomme « Da Yovo » (la blanche) ou « Fo Yovo » (le blanc). Cette fascination pour la peau blanche pousse certaines femmes à se dépigmenter. « J’utilise les produits éclaircissants parce que c’est ce que les hommes aiment. Les femmes au teint clair sont considérées comme les plus belles. Je sais ce dont je parle, quand je marche avec des amies teint noir .Quand les hommes nous abordent, c’est à moi qu’ils s’adressent en premier » déclare Mlle Sophie, une jeune fille de 23 ans qui se dépigmente depuis 5 ans. Attirer l’attention des hommes qui n’ont d’yeux que pour les femmes teint clair, tel est le motif évoqué par les Togolaises comme Sophie adeptes de la dépigmentation. Il y a plus de 50 ans, l’écrivain antillais Franz Fanon écrivait dans son ouvrage intitulé Peaux noires, masques blancs , que l’homme noir est fasciné par la peau blanche et cette situation le pousse à tout faire pour ressembler au blanc. Les femmes africaines l’ont compris et veulent mettre toutes les chances de leur côté dans la quête des hommes.

Pour d’autres, elles s’adonnent à la dépigmentation par suivisme. Leurs amies et rivales en font, les médias passent en boucle la publicité pour ces produits, alors elles se sont aussi lancées dans la course au teint le plus clair. Mlle Kokoè s’explique : « j’ai commencé l’utilisation de ces produits éclaircissants à cause de mes camarades du marché qui sont devenues « très belles » en l’espace de quelques mois. Moi aussi j’ai adopté une gamme de lait et de savons pour lesquels on fait souvent la pub sur une chaîne télé. Vous voyez donc le résultat (sourire) je resplendie maintenant!»

Mais il faut noter que beaucoup finissent par déchanter parce que les résultats sont ‘’au-delà’’ des attentes. Certaines parties du corps virent rapidement au clair sous l’effet de ces produits. Cependant, au niveau des coudes, des genoux et des orteils « c’est toujours le noir foncé ». Nos « Da Yovo » ont alors le teint en deux tons ou en coca-cola. Certaines se brûlent la peau à force d’appliquer ces produits à fort taux d’hydroquinone. « Si mes petites sœurs peuvent comprendre les risques qu’elles courent et cesser l’utilisation de ces acides, ç’aurait été bien. Regardez ce que je suis devenue. J’ai la peau brûlée. Je ne porte plus que des habits qui me couvrent tout le corps et dans la journée j’ai des bouffées de chaleur », se plaint Mme Sika, la cinquantaine et revendeuse au marché d’Adawlato.

Les risques que courent les femmes qui se dépigmentent sont nombreux. La mélanine qui protège la peau se dégrade, le système immunitaire s’affaiblit et les cicatrisations de la peau deviennent difficiles. La dépigmentation de la peau est aujourd’hui un problème de santé publique. Les autorités doivent sensibiliser les populations afin qu’elles comprennent la nécessité d’éviter les produits éclaircissants.

S.G.