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Ces zémidjan migrants de Lomé

CHRONIQUE - Autres
 Tous les lundis matins, M. Dodonou quitte son village Ahépé à moto avec pour bagage un baluchon contenant une chemise et un pantalon .Il vient à Lomé pour faire du taxi-moto pendant les jours ouvrables avant de repartir au village .M. Dodonou fait partie de ces centaines de conducteurs de taxi-motos qui migrent vers Lomé, la capitale du Togo pour faire leur travail pendant toute une semaine.

En fait, ils viennent des préfectures des lacs, Yoto, Vo ,Zio,Avé et sont dans leur grande majorité des agriculteurs et artisans . Ces zémidjan migrants évoquent diverses raisons pour expliquer le choix de la capitale. Pour M. Yété , un conducteur qui vient de Koutimé dans la préfecture de Vo, dans la capitale on peut faire plus de recettes : « J’ai une moto « work and pay » ( système de bail mis en place par les propriétaires de motos) d’une commerçante dans notre localité. Le marché de Vogan ne s’anime que le vendredi et c’est ce jour-là qu’on a un peu de clients et le reste de la semaine est morose. Je dois remettre à la fin de chaque semaine 10.000Fcfa à ma patronne. Si je reste dans notre localité, je ne peux pas avoir une somme pareille .Je suis donc obligé de venir travailler à Lomé. », a-t-il déclaré. Le régime des saisons des pluies est aussi évoqué comme facteur par ces zémidjan migrants. Pendant la saison des pluies, ils restent au village pour les travaux champêtres. C’est pendant la saison sèche qu’ils viennent faire du zémidjan à Lomé. M. Biosse, un homme d’une trentaine d’années s’explique : « J’ai une femme et quatre enfants à nourrir au village de Zogbépimé (Localité située dans la préfecture de l’Avé). Nous avons un terrain où je cultive du maïs et du manioc en saison pluvieuse. En période de soudure, si je reste au village, je ne fais pratiquement rien. En compagnie des hommes de mon âge, nous passons nos journées à faire des palabres inutiles et à boire du sodabi (la boisson locale alcoolisée) alors que nos familles ont faim. Il y a cinq ans, je me suis fait acheter une moto par un proche parent pour faire du taxi-moto à Lomé et je lui ai tout remboursé avec les intérêts. »

La plupart de ces zémidjan n’ont pas de logement à Lomé et sont obligés de dormir à la belle étoile .Il suffit d’un tour au centre-ville la nuit pour les découvrir. Ils sont nombreux à garer leurs motos sur les trottoirs du boulevard du 13 Janvier, dans les gares routières, les stations d’essence et à dormir la tête sur le guidon. « Je dors chaque nuit ici à Déckon parce que je n’ai pas de chambre à Lomé. J’ai un frère ici mais il a une famille et je ne vais pas le déranger », a affirmé M. Ayi, un Zémidjan qui vient d’Anfoin, ville située à environ 15 Km d’Aného dans la préfecture des lacs. Pour les toilettes, certains se contentent de se débarbouiller et d’un cure-dent chaque matin, d’autres vont prendre leurs bains dans les toilettes publiques. Des enquêtes ont révélé que nombre d’entre eux ont des problèmes de santé. Exposés aux infections à cause du manque d’hygiène, ces zémidjan ont des maux de dos , des courbatures etc. Des cas de décès ont même été signalés suites aux infections mal soignées. « Nous avions un ami nommé Kokouvi, originaire de Batomé, qui souffrait de fièvre jaune. Il ne se contentait que des médicaments achetés au bord de la route .Il en est mort. » s’est plaint M.Ayi.

La situation préoccupante de ces zémidjan migrants peut-elle s’améliorer ? Pourquoi ne s’installent –ils pas à Lomé ? Ils avouent dans leur majorité vouloir s’installer avec leur famille à Lomé mais leurs revenus sont insuffisants. « Je veux moi aussi louer une chambre et faire venir ma famille à Lomé mais je ne gagne pas assez avec ce métier pour me le permettre. Ma femme s’occupe des enfants au village avec les fruits de nos travaux champêtres. S’ils viennent à Lomé, je serai éttouffé par les dépenses », a confié M.Kuigan, « mais, avec le temps », a-t-il ajouté (un sourire plein d’espoir) « je vais épargner pour qu’ils viennent aussi à Lomé. Ic,i ils auront une bonne éducation et pourront progresser à l’école. »

Sam Gagnon