Mais, pourquoi sont-ils candidats?
Si l’on posait la question aux sept compatriotes (ou plus ?) qui sollicitent le suffrage des Togolais en février 2010, chacun se livrerait au discours dont, à vrai dire, le dernier des imbéciles serait capable de réciter les thèmes récurrents, comme une leçon apprise par cœur par un élève du niveau...CE2 : sauver, libérer la nation, apporter la démocratie, le développement, assurer le bien-être de la population, soulager nos misères, réaliser l’alternance, instaurer la bonne gouvernance...
Oboboboéee! Tout ça pour un seul, oui un seul! Car, chacun est convaincu ou veut se convaincre et convaincre le monde entier qu’il n’y a que lui pour faire tout cela. Les autres? Les autres n’existent pas. Et s’ils tentent d’exister, il faut les dénigrer, les piétiner, les anéantir. Et à la rigueur, le peuple dont on sollicite les voix, le peuple à qui l’on promet monts et merveilles n’existe pas. Lui, on l’a déjà piétiné, mais s’il tente de se relever pour dire quoi que ce soit, loin de l’écouter, il faut l’assommer à nouveau, à coup de mensonge et de propos démagogiques, bien sûr.
Cela revient à quoi? A ceci que l’important n’est pas de réaliser tout ce que l’on promet (quelque part, ces gens ne savent-ils pas d’avance qu’ils ne réaliseront pas leurs promesses?), tout ce que, en toute légitimité et bonne foi, les Togolais sont en droit d’attendre des candidats. L’important, c’est le moi! Cela revient donc à ne pas répondre à la question, en tout cas pas dans le sens où le peuple togolais la leur poserait, car aucun des candidats n’aura le culot de répondre : je suis candidat pour moi, rien que pour moi! Je suis candidat pour mon compte ! Je suis candidat, même en sachant que je ne serai pas élu, que j’ai toutes les chances de ne pas être élu dans les conditions actuelles d’organisation du scrutin. Or chacun pense-t-il vraiment autre chose?
Sont-ils donc tous à mettre dans le même panier? Non! Il y en a un que je ne nommerai pas, mais que tout le monde connaît, et qui sait, lui, pourquoi il est candidat. Et qui sait même qu’il a toutes les chances pour être élu, qu’il forcera la chance, qu’il forgera la chance pour être élu, comme lui-même et l’appareil à sa disposition savent le faire. Même s’il ne répond pas : « Je suis candidat pour moi“, il n’est pas loin de la bonne réponse. „Je suis candidat parce que mon papa a été président. Parce que le Togo appartient à mon papa, avec son argent, son armée, sa présidence. Je suis candidat pour perpétuer l’héritage de mon papa, le nom de mon papa inscrit dans le livre du destin pour rester au palais de la présidence même au-delà de sa mort, pour couvrir et cacher les crimes secrets de mon papa et au besoin ajouter mes crimes á ceux de mon papa, jouissant de la même impunité que mon papa. Pour ajouter les années de mon propre règne à celles du règne de mon papa, au besoin dépasser la durée de mon papa au règne ».
Voilà la raison d’être de l’élection présidentielle de 2010, voilà le choix qui se présente à nous.
Quelque part, celui qui sait pourquoi il est candidat, doit rigoler en pensant aux agitations de ceux qui ne savent pas. Surtout, de ceux qui eux-mêmes l’ont aidé à se trouver là où ils se trouve. Il doit se dire : N’est-ce pas eux-mêmes qui m’ont reconnu comme étant le meilleur, le mieux placé pour être à la présidence en m’apportant sur un plateau l’APG ? Et maintenant, ils se présentent contre moi. Qu’est-ce qu’ils cherchent ?
En effet, c’est à croire qu’ils n’ont jamais su ce qu’ils veulent.
Pour être cynique, celui qui sait a des raisons de se jouer de ceux qui ne savent pas et ne veulent pas savoir.
A moins que ces derniers, subitement réveillés, au dernier moment, ne prennent conscience de leur ignorance de la vraie raison d’être candidat, cherchent ensuite la vraie cause à défendre, considèrent que cette cause est plus importante que leur moi individuel et se mettent d’accord pour la défendre tous ensemble, derrière un candidat unique, en mesure de répondre à la question du peuple togolais : pourquoi être candidat? Mais, cela m’étonnerait : chacun d’eux est tellement convaincu d’être le Messie.
Le problème, c’est qu’au lendemain des élections présidentielles, nous aurons du mal à les retrouver, ces messies. Ah, peut-être les trouverons en train de quémander des postes à celui qui sait.
Sénouvo Agbota ZINSOU
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