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Accord de partenariat économique UE-CEDEAO : Les 15 et la Mauritanie acceptent l’étouffement économique pour 15 ans

Togo - Economie et Finances
La nouvelle d’un compromis trouvé entre Bruxelles et Abuja sur les accords de partenariat économique régional (APER) ont surpris tous les observateurs qui étaient sûrs que ces accords ne sont nullement bénéfiques aux pays de la sous-région ouest-africaine. En dépit des mesures d’accompagnement- les promesses d’argent frais ont peut-être fait saliver les Etats- les APE ou APER restent un nouveau goulot d’étranglement économique et financier pour la CEDEAO et la Mauritanie. Facile à prouver.
Accords de partenariat économique

Il est quand même surprenant que l’Union européenne qui a déjà de gros flux d’échanges économiques et commerciaux avec l’Afrique en général et avec les pays de la CEDEAO en particulier soit si enthousiaste à établir des accords de partenariat économique avec les mêmes pays. A priori, il en sera comme disent certains politologues : quand le faible s’allie au fort, il sera absolument le perdant.

L’idée des APE ou APER remonte à 2003. Les négociations ont démarré le 6 octobre de cette année à Cotonou et devaient aboutir à un accord le 31 décembre 2007. Sept années après, on attend toujours de signer lesdits accords, les jours précédents ayant accouché tout au plus d’un « compromis ». Selon les discours officiels, les APER ont pour fin d’instaurer une zone de libre échange entre l’Union européenne et ses partenaires sus-visés. Au nom de ce libre échange, Bruxelles veut que 80% des échanges soient libéralisés pour une durée de 15 ans. Cela renferme que durant ce délai, les produits manufacturés dans la zone bleue auront libre accès sur le marché de la CEDEAO et de la Mauritanie avec en sus des facilités douanières en termes de taxes et de droits de douanes.

Les négociations ont été rudes, c’est à l’honneur des parties africaines. Des désaccords ont longtemps porté sur la durée et le degré de la libéralisation, les produits concernés ainsi que sur les mesures d’accompagnement. Le compromis annoncé et autour duquel on mobilise les hérauts est censé avoir dissipé les craintes justifiées des parties africaines et diminué les appétits voraces de la partie européenne.


Un compromis, du placébo !

Il faut admettre avec les observateurs avisés et avec les économistes africains restés frileux et sceptiques sur les APER que ces accords sont loin de profiter aux parties africaines. Du compromis, parlons-en. C’est très facile de dire que les promesses d’argent frais- que certains gouvernements détourneront très rapidement vers des comptes bancaires personnels, ont attisé les envies. Elles ont également certainement émoussé la vigilance et la résistance louables que les parties africaines ont montrées jusqu’à mars dernier.

Selon des sources officielles, les APER sont dorénavant appuyées par un programme de l’APE pour le développement (PAPED). Ce programme consiste en un appui financier que Bruxelles a promis à ses « partenaires » pour leur permettre de réduire ou d’atténuer les chocs inhérents au libre échange à venir. Les parties africaines ont sollicité un financement de près de 10 milliards d’euros sous le couvert du PAPED pour une durée de 5 ans ; ce financement ou ce « retour sur pertes économiques » porte sur des domaines tels les infrastructures, le tourisme, l’agroalimentaire et le textile. Subsidiairement au pactole financier, les parties africaines ont souhaité que des barrières mises en place par Bruxelles liées aux normes phytosanitaires des produits devant entrer dans l’espace bleu. Ce compromis est-il de nature à combler les grosses pertes que vont générer les APER ? Difficile de le croire car, vu sous tous les angles, ce compromis ne dépasse pas l’effet d’un placébo. Le mal demeure entier.


Attention, danger d’étouffement

Le chronogramme officiel et originel indiquait que les parties africaines allaient signer les APE au sommet de la CEDEAO des 2 et 3 avril derniers. Il n’en a rien été, il faut s’en féliciter. Le communiqué officiel ayant sanctionné ce sommet informe que « la conférence valide les conclusions de l’Accord sur le principe ». La précision « sur le principe » n’est pas gratuite, elle apparaît aux yeux des observateurs comme l’expression d’un scepticisme et d’une crainte latents au sein des chefs d’Etat de la CEDEAO. C’est à saluer. Le communiqué précise d’ailleurs que « (la conférence) note cependant qu’il reste quelques questions techniques à résoudre » et explique que « la conférence a instruit les négociateurs en Chef de prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois en vue de trouver des solutions aux questions soulevées par certains Etats membres notamment le Nigeria, avant signature de l’Accord ».

Visiblement, le Nigeria a compris que les APE sont un goulot d’étranglement pour les parties africaines. Les questions qu’elle a soulevées et qui ont entraîné le report de toute signature sont louables, elles ont le mérite de reposer le problème de l’utilité des APER. Pourtant, certains observateurs estiment que le Nigeria fait partie des rares pays d e la sous-région qui peuvent supporter ces APER avec l’Union européenne. C’est le même Nigeria qui fait grise mine et a déçu Bruxelles qui était excitée à l’idée de voir les parties africaines valider les accords d’autoflagellationou d’autodafé.
En vérité, les APER ne sauraient profiter à des pays dans lesquels l’industrialisation et le commerce sont réduits à leur portion congrue. Quels produits les Togo et le Bénin, la Guinée-Bissau ou la Gambie peuvent vendre dans l’espace européen au point d’en faire des bénéfices susceptibles de favoriser leur développement ? A produits égaux, quelle garantie peut-il y avoir que les produits locaux soient préférés à ceux venant de l’Union européenne ? L’huile de palme par exemple est produit en Afrique mais son prix ne résiste pas devant les huiles importées d’ailleurs ; presque partout, les industries textiles appartiennent à l’histoire dans les pays partenaires ; quels textiles africains seront capables de rivaliser avec les homologues venus d’Europe ?

Bruxelles a admis de renoncer aux subventions accordées à ses citoyens dans la production de certains articles. Tout le monde sait que de telles décisions sont facilement prises parce que dans le fond elles ne touchent pas aux intérêts immédiats et futurs des Etats et des producteurs européens. Autrement, quel pays de l’espace bleu peut choisir de favoriser les Etats africains au grand dam de ses citoyens ? Ce n’est sûrement pas M. Hollande de la France, déjà en difficulté pour ses choix économiques, qui va prendre ce risque. Il en découle que les APER profitent strictement à Bruxelles, sinon elle n’en serait pas autant enthousiaste. Peut-être a-t-elle l’intention inavouée de couper l’herbe sous les pieds de ses rivaux américains qui s’intéressent de plus en plus au continent. Ou est-ce le souci de contrebalancer l’influence sans cesse croissante du géant chinois ?

Par-dessus tout, il est paradoxal que des Etats dont les recettes douanières constituent la substance du budget national acceptent de renoncer à la manne douanière au nom d’hypothétiques APER. Le Togo par exemple sait combien il exerce la pression sur les citoyens et sur les opérateurs économiques installés sur son territoire pour renflouer ses caisses. Le budget augmente considérablement année après année sans que des ressources extraordinaires soient déclarées. C’est donc sur la base des recettes douanières et fiscales essentiellement que le budget prend des allures « expansionnistes » pour reprendre les termes de l’ambassadeur de l’Union européenne au Togo, M. Nicolas Berlanga-Martinez.

Au total, les APER sont tels que les parties africaines n’en tireront point les profits déclarés. Elles se contenteront des mesures d’accompagnement contenues dans le PAPED. Ainsi, c’est une nouvelle voie de domination et de cannibalisation des Etats africains rendus fragiles par la pauvreté, le manque de ressources et la mauvaise gouvernance institutionnalisée.

Nima Zara