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Interview de Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE du CONAPP : « Manque de professionnalisme, manque de ressources expliquent les difficultés de la presse togolaise »

Togo - Societe
Le Conseil national des patrons de presse (CONAPP) s’est retrouvé en Assemblée générale ce vendredi 7 août à Lomé pour faire l’état des lieux de ses activités pour l’année écoulée et mobiliser ses troupes pour affronter les défis à venir. Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE, président du CONAPP et Directeur de publication du journal Focus Info, a reçu l’Agence de presse Afreepress dans ses bureaux pour lui faire part de ce qui s’est dit et fait au cours de cette Assemblée générale et dresser le bilan, peindre le tableau du plan d’action pour l’année à suivre.

Lisez plutôt.
Afreepress : Vendredi 7 août, le Conseil national des Patrons de presse tient son Assemblée générale ordinaire. Dites-nous les objectifs assignés à cette Assemblée générale et vos attentes au sortir de cette rencontre.

Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE : Effectivement, le Conseil national des patrons de presse organise son Assemblée générale ordinaire ce vendredi 7 août 2015. Plus qu’une rencontre, c’est une exigence statutaire qui nous oblige chaque année à rendre compte à nos mandants de nos actions et activités, à dresser le bilan de l’année écoulée et tracer de nouvelles perspectives. C’est donc à cette activité que nous nous attèlerons ce vendredi.

Mais est-ce une tradition de la maison CONAPP ou c’est vous qui tenez à innover ?

Est-ce que c’est une tradition ? Comme je vous l’ai dit, c’est prévu par nos statuts. C’est vrai que par le passé, ça ne se faisait pas, mais nous avons pris l’engagement depuis notre élection l’année dernière de faire les choses conformément à nos statuts et de respecter tout simplement les textes.

En termes de bilan, que peut-on retenir des actions de votre nouveau bureau après 12 mois d’activité ?

Disons que ça fait un peu plus de douze mois que nous sommes là. C’est un bilan à mi-parcours que nous pouvons faire, nous laisserons la latitude à nos membres d’apprécier ce qui a été fait. Mais d’ores et déjà on peut faire une liste de ce que nous avons pu réaliser.

Dès notre élection, nous nous sommes d’abord attelés à opérer un certain nombre de réformes structurelles qui sont relatives notamment à la modification de nos statuts. Il y a des faiblesses et lacunes qui ont été décelées dans nos statuts lors de la dernière Assemblée générale. Nous avons voulu corriger ces lacunes.

Nous avons donc convoqué une Assemblée générale extraordinaire au cours de laquelle ces statuts ont été révisés pour les adapter aux nouvelles réalités. Nous avons aussi doté l’organisation d’un règlement intérieur qui n’existait pas.

Nous avons mieux renforcé notre présence, puisque les membres qui étaient à l’intérieur du pays se sentaient un peu marginalisés. Donc nous avons essayé de mettre en place des point-focaux qui sont des représentants du bureau central qui se trouve à Lomé. Nous avons travaillé sur la visibilité de l’organisation en créant un site Internet et en mettant à jour un magazine qui est un bulletin d’information de l’organisation. Nous avons surtout renforcé les capacités de nos membres à travers une série de formations notamment sur l’entreprenariat, le management, la gestion d’une entreprise, sur la nécessité d’un professionnalisme, atelier au cours duquel des confrères sont venus de l’étranger comme le Sénégal, le Niger et la France.

Dans le cadre des élections présidentielles écoulées, nous avons aussi organisé un atelier sur le rôle du journaliste pendant la période électorale. Tout récemment, puisque c’est d’actualité, nous avons aussi tenu un atelier sur la question de sécurité maritime. Sans oublier le fait que nous avons aussi participé activement au renforcement de la liberté de presse dans notre pays en organisant par exemple un sit-in lorsque le drame de Charlie Hebdo était intervenu.

Voilà un peu résumé, le bilan de nos activités pour l’année écoulée.

De quelle presse rêvez-vous pour notre pays et croyez-vous être en train de travailler pour y parvenir ?

Notre objectif c’est de changer le paysage de la presse togolaise. Donc depuis notre élection nous nous sommes attelés à cela en créant les conditions d’une presse qui passerait de l’informel à sa structuration. Nous avons mis en place un collège d’avocats et de notaires pour aider les confrères qui le souhaiteraient à passer à cette formalisation.

Nous avons aussi approché une série d’entreprises pour mieux insérer la presse togolaise dans le tissu socioéconomique. C’est ça qui explique d’ailleurs notre adhésion au conseil national du patronat qui est l’organisation qui regroupe les entreprises togolaises. Tout ça est fait pour aider la presse à s’insérer dans le tissu socioéconomique et pour lui permettre de sortir de l’ornière et l’aider à avoir des ressources.

Nous avons aussi fait le plaidoyer lors de notre participation aux états généraux de la presse pour l’augmentation de l’aide de l’Etat à la presse qui est passée de 75 millions à 100 millions de francs CFA. C’est encore très peu mais c’est quand même un pas.

En un an, nous ne pouvons pas totalement changer le visage de la presse togolaise mais il s’agit de poser les jalons pour que la presse évolue, pour que nous évoluions.

S’il vous était demandé de dresser le portrait-robot de la presse togolaise, qu’est-ce que vous diriez ?

Je crois que la presse togolaise souffre d’un manque de professionnalisme. L’histoire sociopolitique explique en partie pourquoi la presse togolaise n’est pas totalement professionnelle mais un sursaut qualitatif devient impérieux. Ce manque de professionnalisme caractérise la presse togolaise. Quand je parle de professionnalisme, c’est surtout la question de formation.

La seconde chose c’est le manque de moyens. La presse togolaise manque cruellement de moyens d’abord par rapport à l’accompagnement de l’Etat qui reste très faible au vu des besoins mais également par rapport à l’espace publicitaire. Aujourd’hui les recettes publicitaires que génère la presse togolaise restent vraiment ridicules par rapport à d’autres pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et autres.

Donc, manque de professionnalisme, manque de ressources expliquent les difficultés de la presse togolaise et pour cela il faut que l’ensemble des journalistes, l’ensemble des organisations se retrouvent pour travailler sur ces questions, c’est très important.

On ne peut pas se voiler la face, le métier de journaliste est un métier très difficile et aujourd’hui il y a très peu de journalistes qui peuvent dire qu’ils vivent de leur travail. On est presque dans du bénévolat. Donc, c’est un mouvement d’ensemble qui doit nous amener à améliorer la situation puisque si l’entreprise va mieux, les journalistes iraient aussi mieux.

Qui peut-on appeler journaliste au Togo ?

La définition que le Code de la presse donne, c’est celui qui tire l’essentiel de ses revenus de l’exercice du métier. Ça c’est la théorie, mais aujourd’hui on sait que beaucoup pour s’en sortir sont obligés de s’adonner à d’autres métiers pour arrondir leur fin de mois.

La presse togolaise est-elle véritablement indépendante et libre ?

Moi je dirai oui sans aucun doute. Il suffit de parcourir les colonnes des journaux ou d’écouter des émissions interactives pour s’en rendre compte que la liberté de la presse totale et est une réalité. Mais maintenant, la question est de savoir comment on profite de cette liberté ? Comment on peut être véritablement libre lorsqu’on fait face à d’énormes difficultés pour faire vivre son entreprise.

Vous avez soutenu le drame de Charlie Hebdo par un sit-in. Au Togo, lorsqu’un journaliste est en difficulté que faites-vous réellement pour l’aider ? Il y a un cas actuellement sur le tapis où un journaliste est détenu.

Vous savez que le Code de la presse est dépénalisé depuis plusieurs années, ça doit faire bientôt 10 ans. Heureusement d’ailleurs. Les journalistes ne peuvent plus être emprisonnés pour leurs écrits ou leurs interventions sur les médias et depuis cette date, plus aucun journaliste n’est emprisonné au Togo.

Maintenant il y a un cas que vous soulevez. La question qui se pose est de savoir si les faits qui lui sont reprochés relèvent du travail de journaliste ou d’autres choses ? Puisque ce que nous avons pu comprendre après nous être informé, on considère que les faits qui lui sont reprochés n’ont rien à avoir avec la pratique du journalisme. Ces faits seraient intervenus en marge de son métier, soutient la justice.

Mais il y a une série de démarches qui sont effectuées en marge de ce dossier pour plaider sa cause et voir comment faire évoluer la situation. Mais il faut aussi le marteler, notre statut de journaliste n’est pas un statut de l’impunité qui nous mettrait au-dessus de toutes les lois de notre pays. Même si nos écrits ne peuvent pas nous valoir d’être emprisonnés, si on commet des faits qui relèvent du droit commun, on est obligés de subir toute la rigueur de la loi.

Le CONAPP a pris une part active aux derniers états-généraux de la presse. Quel est le sort qui est fait aux recommandations qui sont sorties de ces états-généraux ?

C’est une vraie déception. Beaucoup d’organisations, beaucoup de patrons de presse, beaucoup de journalistes se sont mobilisés autour de cet événement. Ils se sont impliqués. Nous-mêmes au niveau du CONAPP nous nous sommes mobilisés. Nous avons élaboré une plate-forme commune avec une organisation sœur, ATOPPEL que nous avons défendu au cours de ces assises. Malheureusement au lendemain de ces états-généraux, visiblement les recommandations ont été mises au placard et on a eu beaucoup de mal à mettre en place le comité de suivi. Le comité de suivi a été mis en place tout récemment et a eu sa première réunion, mais on a perdu trop de temps.

Qu’est-ce qui justifie ce retard ? Nous ne saurions le dire mais nous avons écrit au nouveau ministre de la Communication pour solliciter une rencontre et l’inciter à évoluer sur ce dossier.