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Les réfugiés nigérians et nigériens veulent plus que la paix

Nigéria - Societe
Depuis le début de l' année, plus de 5.000 Nigérians et Nigériens ont fui les exactions de Boko Haram pour se retrouver au camp de Dar Salam, dans la région tchadienne du Lac, frontalière avec le Niger et le Nigéria. Pour ces personnes, que d'autres rejoignent chaque semaine, les défis restent immenses.

Camp de Dar Salam. A sept kilomètres de Baga Sola et ses 22.000 habitants, 1.300 tentes ont été dressés sur cette vaste étendue de terre couverte de sable et d'arbustes épineux et rabougris.
Repartis par 100 en treize blocs, elles servent d'habitations à plus de 5.000 réfugiés nigérians et nigériens. Chaque bloc est placé sous la supervision d'un boulama (chef en arabe local), les treize chapeautés par le boulama Ousman Oumar.
Erigé il y a six mois, le camp de Dar Salam peut accueillir jusqu'à 15.000 personnes, selon Mme Lydie Navigué, chef du bureau du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) à Baga Sola. Avec plus de 5.000 habitants, le camp est encore loin de ce nombre, mais des hommes, femmes et enfants y arrivent chaque semaine, en provenance du Nigeria ou du Niger voisins.
"Certes, nous n'avons pas ici ce que nous possédions dans nos villages respectifs. Mais Alhamdoullilah (Dieu merci, Ndlr). Nous trouvons à manger, à boire et de quoi cacher notre nudité. Ce que nous n'avions pas en quittant nos terres", déclare le boulama Ousman Oumar.
Pour ces milliers de femmes et d'hommes qui ont vu leurs terres, habitations et autres biens bruler par Boko Haram et qui ont été contraints à fuir, dans le dénuement total, parfois sans avoir le temps d'enterrer des proches sauvagement assassinés, c'est déjà bien de retrouver une "terre de paix" ou "Dar Salam", en arabe.
A Dar Salam et dans toute la région du Lac, la sécurité règne effectivement. Des policiers y maintiennent l'ordre et la quiétude. Aux alentours, des éléments de l'armée tchadienne veillent au grain, multipliant les patrouilles nuit et jour.
Excepté la sécurité, il reste cependant beaucoup à faire dans les autres domaines: nutrition, santé, etc. "On ne peut pas dire que c'est parfait, reconnaît Mme Lydie Navigué, chef de bureau HCR de Baga Sola. On essaie, avec nos partenaires, de pourvoir à leurs besoins en santé, en vivres, à l'éducation de leurs enfants, etc". Le gouvernement nigérian a volé, il y a quelques jours, au secours des réfugiés de Dar Salam en offrant des habits, des vivres et autres biens domestiques (nattes, seaux, moustiquaires, etc.). Mais tout ceci n'a été qu'un court soulagement.
"Nous souffrons. Nous n'avons pas assez à manger, pas de vêtements. Regardez nos enfants, ils n'ont pas de chaussures", se plaint Hayatou Bouba Dja.
"Nous voulons la paix; quand elle reviendra dans notre pays, nous y repartirons. Mais en attendant, nous avons besoin de manger à notre faim, de nous vêtir et de dormir tranquillement", ajoute l' homme, la trentaine révolue, qui confie être l'un des premiers Nigérians à avoir fui les atrocités de Boko Haram pour se retrouver à Ngouboua, il y a onze mois.
C'est après l'attaque de cette localité tchadienne, frontalière avec le Nigeria, en février dernier, que les autorités de N' Djaména avaient décidé de relocaliser les réfugiés sur le site de Dar Salam, à 40 km plus loin.
Dans les rangs des organisations humanitaires présentes à Dar Salam, l'on se dit conscient de ces plaintes sur les vivres. Selon Mme Navigué, les habitudes alimentaires des refugiés ne correspondent pas à l'assistance que le HCR peut leur donner, en collaboration avec le Programme alimentaire mondial (PAM).
Armand Mbaitondjim, assistant à la Protection à la Commission nationale d'accueil et de réinsertion des réfugiés (l'organisme gouvernemental), déplore le fait que les réfugiés ne gèrent pas bien les rations qui leur sont servies. "Ils mangent en quelques jours ce qui leur est donné pour tenir un mois", précise-t-il.
"Nous avons une stratégie de pouvoir les autonomiser au plus tôt afin qu'ils puissent répondre à tous leurs besoins alimentaires", promet Mme Navigué.
"Personne ne s'attendait à l'arrivée de ces réfugiés. Comme nous sommes contraints de les accepter, qu'ils nous laissent aussi le temps de nous organiser pour les accueillir convenablement. Le minimum est là, viendra le moment où ils seront à l'aise", renchérit Dimouya Souapébé, sous-préfet de Baga Sola.
Certes, le minimum est assuré, mais à Dar Salam, l'on ne veut pas continuer à recevoir du poisson, mais à le pêcher soi-même. " Parmi nous, il y a des agriculteurs, des pêcheurs et des tailleurs. Mais nous ne pouvons pas exercer ces différentes activités qui pourraient nous générer des ressources, faute de moyens ou d' espaces", relève boulama Ousman Oumar.
Personne n'a refusé à un réfugié de pêcher ou de labourer. C' est une question de procédure, répondent les autorités administratives de la région. "Avant de leur accorder un lopin de terre à labourer ou un bras du Lac pour la pêche, nous devons d' abord explorer les zones qui n'ont pas été exploitées par nos populations hôtes", tempère Dimouya Souapébé. La sous-préfecture qu'il dirige compte plus de 72.000 habitants, en plus de 3.000 à 4. 000 retournés tchadiens et plus de 1.000 déplacés tchadiens, aussi victimes des violences de Boko Haram. Et les afflux de ces différentes personnes continuent.
Le sous-préfet de Baga Sola, qui dit vouloir éviter des mécontentements au sein des populations d'accueil qui pourraient déboucher sur des conflits avec les réfugiés, appelle ces derniers à la patience. "Les choses avancent, elles sont sur la bonne voie", promet-il.
En attendant cette autonomisation qui tarde, les défis les plus urgents à Dar Salam sont la chaleur et le ramadan. Les tentes du camp sont des abris transitoires, faits pour parer à l'urgence. Avec la forte chaleur qui s'abat chaque jour (en moyenne 45° C à l' ombre), il est très difficile pour leurs occupants de tenir le coup.
"Nous allons bientôt faire des abris un peu ouverts qui leur permettront de supporter la chaleur ambiante pendant la journée", affirme Mme Navigué. En prévision de l'hivernage, le HCR a entrepris la construction de cinquante abris en matériaux durables pour les personnes particulièrement vulnérables. Et entend poursuivre cette action pour le reste des habitants du camp, avec leur implication. Voilà pour les abris, mais pour le "ftour" (le repas qui rompt chaque soir le jeûne), les inquiétudes restent intactes. "Depuis notre arrivée ici, nous n'avons ni reçu ni vu du "kala doukoun" ( mil pénicillaire, Ndlr)", déplore Awa Amadou, la présidence des femmes de Dar Salam. Les habitants de Dar Salam sont majoritairement musulmans. Et voyant cette souffrance à venir avec le ramadan qui commence dans une semaine, certains ont préféré repartir au Nigéria, à leur risque et péril. "Le camp est nouveau, il a à peine six mois. Nous sommes en train de faire tous les efforts pour répondre à leurs préoccupations. Nous continuerons à faire ce que nous pouvons pour les accommoder au maximum", conclut la chef de bureau du HCR. Fin