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Dossier/La vie des 'bonnes' chez les Libanais au Togo

Togo - Societe
Il y a quelques mois, des organisations de défense des droits de l’homme sont montées au créneau pour dénoncer la maltraitance que subissent les Togolaises qui sont allées au Liban pour travailler comme domestiques et ont même demandé à l’Etat de tout faire pour les rapatrier.
Si la vie de ces filles et femmes qui ne cherchent qu’à monnayer leur force de travail a été très dure à Beyrouth, la capitale libanaise, non moins dure est celle des domestiques togolaises qui travaillent chez des Libanais à Lomé. L’Agence de presse Afreepress a pu dénicher certaines d’entre elles qui ont accepté de raconter leur propre histoire.

A 19 ans, Jeanne qui, faute de moyens, a dû abandonner les études en classe de première pour rassembler une certaine somme d’argent afin de se lancer en apprentissage dans la haute couture, deux faits l’ont principalement marquée chez ses patrons libanais.

"Mon début chez eux a été marqué par une affaire de vol d’argent et comme j’étais la nouvelle, la culpabilité m’était revenue de droit parce que disaient-ils, avant mon arrivée, personne ne volait par ici. Ils m’ont recrutée pour le ménage, mais mon travail journalier ne s’est jamais arrêté au ménage. Si tu finis ton travail, tu ne peux pas te reposer chez un Libanais. Pour lui, on est payé à 30 ou 40 mille francs pour travailler tout le temps sans discontinuer, même la nuit ne les arrête pas, on te trouvera toujours quelque chose à faire alors que les autres dorment", a-t-elle déclaré.

"Ce qui m’a le plus marquée chez eux », dira Suzanne, c’est que le bienfait, contrairement à ce que l’on dit généralement, est toujours mal récompensé dans la réalité libanaise. « Un jour, la femme a pour la première fois proposé du poisson braisé mais qu’elle n’a pas réussi. Son mari n’a pas pu avaler un seul morceau de ce poisson et il était hors de lui, tellement fâché qu’il est allé au lit plus tôt qu’à son habitude. Mais un autre jour, nous avions reçu des invités, des Libanais à proprement parler. Ceux-ci ont voulu manger du poisson braisé, ce que j’ai fait. Les invités étaient contents de ma cuisine, surtout du poisson braisé et me l’ont dit quand j’étais venue débarrasser la table. J’ai à peine fini de dire merci quand mon patron a intervenu pour leur rappeler que c’est sa femme qui m’a appris à faire le poisson braisé", a raconté cette femme d’une trentaine d’années, les larmes aux yeux.

Pour une autre, cette fois-ci femme au foyer avec une fille de 4 ans, le travail que les Libanais proposent aux domestiques togolaises est très difficile tant par sa pénibilité, sa longueur que par sa monotonie.


"Tous les jours que Dieu fait, tu te promènes de chambre en chambre, tu y fais le ménage, reviens faire le linge, nettoies tout ce qui est nettoyable chez eux et tu t’occupes encore des enfants vraiment turbulents, de sorte que si tu ne sais pas faire, tu vas t’en sortir avec une hypertension, même en étant jeune. Et pour combien à la fin du mois, 25.000 francs. Je n’ai pas pu faire deux mois chez eux. La femme ne connaît rien, même la cuisine. Mais quand tu finis tout, elle te chante à longueur de journée que tu ne vaux rien. Je lui réponds toujours, ajoute nada", a-t-elle dit souriante.

Autre témoignage. A la cuisine, la bonne en préparant, n’a pas le droit de goûter ce qu’elle prépare pour son patron, elle doit faire la cuisine avec les yeux sans possibilité de goûter pour savoir si la sauce est bien assaisonnée ou pas. "Les Libanais comptent jusqu’au chewing-gum, même une boîte de jus ouverte, n’est pas laissée au hasard. Le reste de leurs aliments est jeté à la poubelle et on n’a pas le droit d’y toucher même là-bas", dénonce-t-elle.

Pour supporter la charge de travail qu’elles ont par jour, certaines domestiques sont obligées de se doper pour pouvoir supporter journalièrement la tâche qui leur est due. C’est le cas de Mawunyo, une jeune fille de 22 ans. "J’étais obligée de prendre du Tramadol. Mais ce médicament a failli me tuer parce que dans la journée, je ne peux pas dormir, étant surveillée par la maîtresse de maison. La nuit, puisque nous avons beaucoup de visites jusqu’à une heure, voire deux heures, j’ai besoin de ce médicament pour supporter. Je ne dormais presque plus et une maladie s’en est suivie et qui a failli m’emporter", a-t-elle précisé.

"Je me rappelle un jour, je suis tombée malade. La femme libanaise avec qui je suis tous les jours, n’est jamais venue dans ma chambre me demander comment je vais. C’est vraiment écœurant. Quand tout disparaît dans la maison, on ne connaît qu’un seul voleur : la bonne. Dans cette situation, la femme ne connaît qu’une seule phrase : cherche-moi ça avant que je ne devienne folle. Bizarrement, même quand la chose est retrouvée, on ne te le dira pas. Chez les Libanais, nos sœurs meurent à petit feu", a tenu à raconter Jeanne.

Pour ce qui concerne le traitement salarial, les avis divergent mais toutes les domestiques, anciennes ou toujours sur leur lieu de travail, s’accordent à dire que leur argent ne sert à rien.

"J’ai été recrutée pour un salaire mensuel de 30.000 francs. Mais à la fin du premier mois, mon patron m’a dit que je travaille bien et il a augmenté mon salaire de 5.000 francs. Quelques mois après, il m’a dit qu’à chaque six (6) mois, il va me faire une augmentation de 5.000 francs. A l’issue des premiers 6 mois, j’ai réclamé et cela fut fait. Mais après, il a refusé et mon salaire est resté à 40.000 durant tout mon séjour chez eux. Quelques années plus tard, j’ai dit à mon patron que je dois partir. C’est là qu’il a encore ajouté 5.000 francs sur le salaire mais cela ne m’a pas retenu, j’ai dû quitter les lieux deux mois plus tard", a fait savoir Jeanne.

Pour Elom, le traitement mensuel est de 25.000 francs par mois mais sans possibilité de manger chez eux. « Même quand il m’arrive d’aller chercher quelque chose à manger au bord de la route, je n’ai pas le droit de rentrer dans la maison du Libanais avec ce repas. Cela est perçu chez sa femme comme une souillure de la maison. Ce qui fait que je dois attendre que la femme sorte de la maison avant d’aller mettre quelque chose sous la dent. Si elle est à la maison toute la journée, je ne mange pas. A quoi ça sert d’avoir de l’argent si on ne peut même pas manger ? », s’est-elle interrogée.

A en croire certaines de ces Togolaises, des femmes et des filles continuent de travailler chez les Libanais pendant 15, 20 voire 25 ans sans pouvoir partir, faute de mieux ailleurs. Elles se transforment au fil des ans en tailleuses de poils de pubis, a confié une d’entre elles.

Telli K.