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Les problèmes frontaliers de l'Algérie affectent toute la région

Algérie - Societe
L'Algérie se prépare aux pires des scénarios par suite de la détérioration de la situation au Sahel.
Les préoccupations toujours plus grandes concernant la sécurité aux frontières ont conduit l'Algérie à durcir sa position vis-à-vis des immigrants clandestins.

Mais en temps de conflit, il n'y a pas que les réfugiés qui tentent de franchir les frontières, explique à Magharebia un officier du Groupement des gardes frontaliers (GGF).

"Les contrebandiers empruntent les mêmes voies, et les groupes terroristes qui sévissent dans ces immenses territoires en profitent également", explique cet officier, qui a demandé à n'être identifié que par ses initiales, S.L.

"Alors, entre considérations humanitaires et considérations sécuritaires, le gouvernement algérien a tranché", ajoute-t-il.

Le premier convoi de trois cents immigrants clandestins nigériens expulsés d'Algérie, essentiellement des femmes et des enfants, est arrivé mardi 10 décembre dans la soirée à Arlit, a fait savoir l'AFP.

Au total, près de trois mille migrants "sans emploi et vivant malheureusement de la mendicité", devraient être rapatriés d'Algérie, a déclaré le Premier ministre nigérien Brigi Rafini il y a quinze jours.

Cette question des migrants s'inscrit dans le cadre d'une large stratégie sécuritaire mise en place par l'Algérie. Ces derniers mois, pas un jour ne s'est passé sans que le ministère de la Défense ne diffuse des informations sur des arrestations de migrants clandestins, de trafiquants et même de terroristes dans les régions frontalières.

L'Algérie est depuis longtemps consciente des liens entre terroristes et trafiquants. L'ancien émir d'al-Qaida Mokhtar Belmokhtar (alias Laaouar) était surnommé "Marlboro Man" à cause de son réseau de trafic de cigarettes qui s'étendait au Sahel et en Afrique du Nord.

Et quand bien même il dirige désormais son nouveau groupe terroriste depuis la Libye, personne n'oublie qu'il est algérien. Et qu'il a commencé sa carrière de terroriste dans le désert.

La sécurité aux frontières a fait l'objet d'une réunion de deux jours à Ouargla, qui s'est terminée le 5 décembre, au cours de laquelle le vice-ministre de la Défense, ainsi que les chefs de la police et de la gendarmerie ont élaboré une stratégie visant à répondre à toute menace venue de l'est, le long de la frontière avec la Tunisie et la Libye.

Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), a rencontré les soldats opérant dans la 4ème région militaire, et les a remerciés de leur travail pour préserver l'intégrité territoriale du pays.

Il leur a demandé de rester vigilants.

L'Algérie durcit sa politique aux frontières

Les réfugiés provenant des zones de conflit restent une préoccupation en Algérie. Ainsi, lorsque la crise malienne a éclaté, l'Algérie a suspendu le rapatriement forcé des migrants subsahariens ; et lorsque la guerre en Syrie a pris des proportions plus importantes, elle a accueilli des milliers de réfugiés.

Mais aujourd'hui, les choses sont différentes. Le gouvernement a décidé de revoir sa politique en introduisant un système de visa d'entrée pour les Syriens. Il a également commencé à rapatrier les migrants subsahariens, notamment les premiers groupes venus du Niger.

De nombreux immigrants craignent de devoir payer le prix de ce durcissement de la position algérienne. Boubakar Souleymane, arrivé du Sénégal il y a deux ans, se dit inquiet.

"On stigmatise les immigrés", explique-t-il. "S'il y a terrorisme, c'est eux. S'il y a épidémie, c'est eux. Pourtant, nous ne faisons rien de mal, nous voulons juste travailler, pour vivre et faire vivre nos familles."

Pour leur part, les Libyens continuent de fuir vers l'Algérie.

Tin Alkoum, un point de passage situé au beau milieu du désert, à environ deux mille kilomètres d'Alger, est la seule voie terrestre laissée ouverte pour recevoir les blessés libyens. Ici, l'odeur de la guerre est omniprésente.

Le gouvernement algérien a décidé de rouvrir ce poste frontière uniquement pour les malades et les blessés de guerre libyens. Ils ne passent que s'ils présentent un passeport valide portant le cachet de l'administration libyenne.

"Pas question de laisser entrer des personnes suspectes", affirme l'officier de garde à Magharebia.

Les motifs d'inquiétude sont en effet nombreux.

"Tous les signes montrent que la région du Sahel se transforme en un bastion du terrorisme, notamment depuis l'annonce de la naissance d'une cellule terroriste affiliée à l'Etat islamique dans la ville libyenne de Derna", explique Mokhtar Bourouina, écrivain et analyste.

Pour lui, la récente neutralisation de dix terroristes à Tamanrasset montre que trafiquants et criminels tentent encore de transporter des armes libyennes dans le Nord-Mali en empruntant le désert du sud algérien.

Selon Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate et ancien ministre de la Communication, les pays occidentaux font tout ce qui est possible pour inciter l'Algérie à jouer un rôle dans le maintien de la stabilité au Sahel et en Libye.

Ahmed Adimi, ancien responsable et analyste politique, souligne toutefois le manque d'efforts consentis par les diplomates algériens lors des précédents événements qui ont secoué les pays arabes et le Mali.

"L'Algérie aurait dû être pragmatique, opter pour une diplomatie préventive et anticiper les événements", explique-t-il.

"Au lieu d'attendre que ces crises surviennent, nous aurions pu réagir", ajoute-t-il.

Le commerce illicite et les pratiques frauduleuses ont toujours fleuri dans ces deux provinces frontalières. Mais la situation semble aujourd'hui se compliquer.

La situation confuse dans la Libye voisine, où des factions hétéroclites se partagent un important arsenal d'armes, a imposé une alerte rouge aux frontières.

On y craint surtout que des liens ne se créent entre les groupes de trafiquants protégés par de gros bonnets invisibles, et les groupes terroristes qui écument la région montagneuse que l'Algérie partage à l'est avec ses voisins.

La présence renforcée de tous les corps de la sécurité (armée, gendarmerie, police et douanes) est désormais clairement visible dans toute cette région de l'extrême est du pays.

Debdeb craint les retombées de la crise libyenne

Les forces de sécurité ne se contentent pas de surveiller les terroristes et les trafiquants d'armes. Les convois d'immigrants font également l'objet d'une surveillance renforcée, notamment depuis la découverte de groupes syriens en partance pour la Libye.

Selon une source proche de la Gendarmerie nationale, les déplacements d'individus prennent une échelle considérable dans les régions frontalières du pays.

Outre les deux cents réfugiés syriens arrêtés il y a quelques jours, trente autres ont été interceptés à Debdeb, dans le district d'Illizi de la province d'In Amenas.

Une fois fixé leur rendez-vous avec des passeurs algériens, ces trente Syriens, parmi lesquels cinq enfants et quelques femmes, devaient être transportés à bord d'un bus en direction de la Libye, où les milices les attendaient.

Selon la gendarmerie, ces Syriens ont été interceptés sur une route secondaire menant en Libye.

Lors de leur interrogatoire, ils ont expliqué aux gendarmes que leur voyage avait été organisé par des trafiquants algériens en contact avec des miliciens libyens.

Les habitants de Debdeb expriment leur exaspération à propos de la situation très tendue en Libye et leurs craintes que ce conflit ne puisse s'étendre dans leur direction.

Comme l'explique Djemaa Belbachir, un commerçant occasionnel : "Nous somme déjà touchés, depuis la fermeture du poste frontalier."

"Ici, on vit du commerce entre les villes frontalières, mais l'arrivée massive d'immigrés de toutes les nationalités a tout faussé", se plaint-il.

"Maintenant, on suspecte tout le monde", explique-t-il à Magharebia. "On espère un rapide retour à la normale en Libye, pour qu'on puisse reprendre nos habitudes d'antan."

La bourgade est devenue un poste militaire avancé. Tous les regards sont braqués sur ce qui se passe chez le voisin de l'est de l'Algérie.