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Mémorandum de SADD sur les conditions de travail et de vie des travailleurs de PAPER BAGS

Togo - Societe
I. PRESENTATION DE L’ENTREPRISE PAPER BAGS

L’entreprise Paper Bags a été créée il y a huit (08) ans, en 2005 et est spécialisée dans la fabrication des sacs plastiques communément désignés « bafana ». C’est une filiale du grand groupe West African Cement (WACEM), une entreprise d’origine indienne installée en zone franche depuis 1996. A la date du 4 juillet 2013, Paper bags employait 192 travailleurs par le biais des tâcherons (sous-traitants). Il y a des électriciens, des mécaniciens, des conducteurs de machines (opérateurs), des magasiniers, des manœuvres. Les travailleurs ont le niveau BAC, BEPC, CAP. D’autres ont appris des métiers.

II. REGIME JURIDIQUE DU TACHERONNAT AU TOGO

Le tâcheronnat est un régime juridique d’emploi qui consiste pour un sous-entrepreneur à recruter lui-même la main-d’œuvre nécessaire, à passer verbalement ou par écrit avec un entrepreneur un contrat pour l’exécution d’un certain travail ou la fourniture de certains services moyennant un prix forfaitaire.

Ce régime d’emploi fait l’objet d’une réglementation par le Code du travail notamment des articles 79 à 82.
Relativement à ses obligations vis-à-vis des travailleurs/euses, « Le tâcheron est soumis aux mêmes obligations que tout employeur en ce qui concerne l’application de la législation en matière de travail, de main-d’œuvre et de sécurité sociale. »

Pour ce qui est de l’action en responsabilité, le travailleur en cas d’insolvabilité du tâcheron, peut se retourner contre l’entrepreneur, si les travaux sont exécutés dans les magasins ou sur les chantiers de l’entrepreneur. L’alinéa 1er de l’article 80 du Code du travail dispose : « Quand les travaux sont exécutés dans les ateliers, magasins ou chantiers de l’entrepreneur, celui-ci est, en cas d’insolvabilité du tâcheron, substitué à ce dernier en ce qui concerne ses obligations à l’égard des travailleurs. »
Pour rappel, à la date du 10 juin 2013, WACEM conventionne sept (07) tâcherons pour les travaux à la carrière.
Il existe aussi des tâcherons, travailleurs permanents, qui recrutent des travailleurs/euses pour des travaux à l’usine (entretien, ramassage etc.)
Selon les sources, le nombre total des tâcherons serait de 30 personnes (dont entre 3 et 5 femmes).


III. CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DES TRAVAILLEURS/EUSES EMPLOYES PAR LES TACHERONS

1. Déclaration à la CNSS

Elle est obligatoire pour les employeurs conformément aux dispositions des articles 3,7 et 9 du Code de sécurité sociale, 47 de la Convention collective interprofessionnelle et 76 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012.

Cependant, aucun travailleur n’est déclaré à la CNSS.

2. Matériel de protection individuelle
Selon les dispositions des articles 46 de la Convention collective interprofessionnelle et 75 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012, l’employeur doit mettre à la disposition du personnel exerçant un emploi le nécessitant le matériel de protection approprié (casque, cache-nez, chaussures, gilets etc).
Le travail à l’usine nécessite ainsi le port de casques, de chaussures de sécurité ; mais l’usine ne s’en charge pas malgré les dispositions légales.
Les cache-nez qui sont donnés sont fragiles et inadaptés ; ce qui expose les travailleurs/euses à l’inhalation des gaz et de la poussière.

3. Le contrat de travail

A la lecture des articles 35 et 36 du Code du travail, la forme du contrat est librement convenue entre les parties.
Les dispositions des articles 7 de la Convention collective interprofessionnelle et 5 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012 prévoient la validité du contrat de travail verbal.
Cependant, le constat fait est que tous les travailleurs sont liés par des contrats verbaux qui ne protègent pas assez les travailleurs malgré leur validité.

4. Les heures de travail

Les heures de travail sont de 48 heures à 72 heures par semaine et sont mal déterminées et mal payées en violation des dispositions des articles 142 du Code du travail, 32 de la Convention collective interprofessionnelle et 47 de la Convention collective sectorielle de la zone franche.
Malgré cette réalité, dans les différentes sections le travail se fait debout et c’est pour quelques minutes que les travailleurs s’asseyent.
Par conséquent, ils souffrent souvent des maux de ventre, de tête, de vertige, de courbatures.
Dans l’usine règne également une chaleur intense.

5. Le SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti)
Le SMIG actuel est de 35 000 F conformément à la Convention collective interprofessionnelle et à la Convention sectorielle de la zone franche.
Cependant, il n’est pas respecté. En effet, le salaire le plus bas pratiqué est de 20.000F.

6. Les bulletins de paye
Ils doivent être délivrés à chaque travailleur conformément aux dispositions des articles 129 du Code du travail, 31 de la Convention collective interprofessionnelle et 46 de la Convention collective sectorielle de la zone franche.
Malgré ces dispositions, les salaires sont payés de main-à-main sans bulletins de paye.

7. Repos hebdomadaire
Le repos hebdomadaire est obligatoire d’après l’article 156 du Code du travail. Il est payé normalement.
Cependant, cette disposition n’est pas respectée pour les travailleurs employés par les tâcherons.

8. Congé annuel
Le travailleur acquiert droit au congé après douze (12) mois de travail effectifs (cf. articles 158 et suivants du Code du travail, 44 de la Convention collective interprofessionnelle et 70 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012).
Il reste que les travailleurs employés par les tâcherons n’en bénéficient pas.

9. L’indemnité de transport
Elle est garantie par l’article 50 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012.
Le montant minimum est de 8.750 F. Les travailleurs employés par les tâcherons n’en bénéficient pas.

10. Liberté syndicale
Les articles 6 et suivants du Code du travail, 5 de la Convention collective interprofessionnelle et 35 et suivants de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012 consacrent cette liberté.
Cependant, tout travailleur identifié comme syndiqué est menacé de sanction.

11. La maladie des travailleurs
Conformément aux dispositions des articles 13 et 14 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012, le travailleur malade dont la maladie a été dûment constatée bénéficie de prise en charge dans certaines conditions.
Cependant, lorsqu’un travailleur est malade, il est laissé à son sort pour les jours passés à la maison. Les accidentés et invalides au travail sont aussi abandonnés à leur triste sort.

12. Les femmes en état de grossesse
Les femmes en état de grossesse bénéficient d’une protection prévue par les dispositions de l’article 148 du Code du travail. Elles ont droit en effet à un congé de maternité payé.
Cependant, pour les employées des tâcherons en convention avec WACEM, le congé de maternité n’est pas pris en charge par l’employeur. Le début de la grossesse se termine souvent par le licenciement.

13. Repas et cantine
L’article 39 de la Convention collective interprofessionnelle dispose : « Les entreprises prendront les dispositions nécessaires pour faciliter la prise des repas sur place de leur personnel ».
Cette disposition est réaffirmée par l’article 73 de la Convention collective sectorielle de la zone franche d’octobre 2012.
Il reste que pour les travailleurs employés par les tâcherons de WACEM, aucune disposition n’est prise dans ce sens.

14. Matériel de travail
Les pièces de rechange des machines sont défectueuses ; c’est difficilement que l’entrepreneur les change avec de nouvelles.
Ceci entraîne souvent des pannes fréquentes ce qui rend difficile le travail au personnel.


IV. GREVE DES TRAVAILLEURS/EUSES ET LEUR LICENCIEMENT

Eu égard à ces mauvaises conditions de travail et de vie dans l’entreprise, les travailleurs/euses ont décidé en décembre 2012 de se concerter.

Ils ont ensuite rencontré les tâcherons qui les emploient directement en vue de l’instauration d’un cadre de dialogue et d’échanges avec eux pour la bonne marche de l’entreprise et la prévention des conflits sociaux.

Face au refus de dialoguer des tâcherons, les travailleurs/euses ont observé des cessations surprises de travail dues au retard de paiement des salaires.
Les travailleurs/euses ont ensuite observé des grèves licites portant sur les revendications ci-après : la déclaration à la CNSS, l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de travail (pièces de rechange et consorts), mesures de sécurité au travail etc.

En juin 2013, un tâcheron nommé Koffi JOHNSON, directeur de l’établissement NEPAV, tâcheron de la section « Loom » annonce à ses employés que la déclaration à la CNSS est un droit fondamental des employés. Il ajoute qu’il a tout fait pour que l’entrepreneur WACEM révise le contrat des tâcherons pour qu’ils puissent immatriculer leurs établissements à la CNSS et déclarer leurs employés. Cela n’a été que peine perdue. Il poursuit qu’il se trouve donc dans l’obligation de rompre le contrat avec WACEM et ses employés à la fin juin 2013.
Après deux (02) jours de travail les 1er et 2 juillet 2013 suivis du payement, la nouvelle de rupture de contrat entre le tâcheron Koffi JOHNSON a été confirmée par son superviseur aux travailleurs/euses.

Le 3 juillet 2013 dans l’après-midi, le directeur de l’usine est venu présenter un nouveau tâcheron aux employés de la section ; comme quoi il est venu pour la continuation.
Les employés ont voulu comprendre du nouveau tâcheron comment il voulait satisfaire leurs revendications ; face au refus d’explication de celui-ci, ceux-ci arrêtent les machines. Le directeur de l’usine interviendra pour les menacer de la venue de la police.

En l’absence d’accord entre les travailleurs/euses et le directeur de l’usine, les travailleurs/euses sont partis pour revenir le 4 juillet 2013. Le tâcheron les a réunis et leur a demandé de lui présenter des lettres de demande d’emploi avant de continuer le travail.

Tous les employés de l’entreprise ont refusé et toute l’entreprise s’arrêta de nouveau.
Certains travailleurs/euses dépassés par les événements sont retournés à l’usine mais la majorité des 160 travailleurs/euses concernés est à la maison depuis lors.