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Après le rejet de la loi de réformes politiques : Le chemin balisé pour de nouvelles élections truquées (analyse)

Togo - Societe
Le regard complice et complaisant de la communauté internationale

Un avis de recrutement d’opérateurs de saisie et de personnel technique en vue du recensement électoral, signature d’un nouveau contrat avec Zetes, voilà quelques éléments qui indiquent que le gouvernement prépare déjà la présidentielle de 2015. Dans le contexte actuel, ce sera un nouveau scrutin qui va se tenir juste parce que la démocratie suppose des élections. L’Union européenne accompagne tout ce cirque du regard, les nations unies aussi. Complaisance et complicité.

Des élections vaille que vaille

Les citoyennes et les citoyens togolais avaient jusqu’au 4 juillet dernier pour soumettre leurs dossiers de candidature à l’appel de recrutement de personnel pour la commission électorale. L’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE) étant mise à contribution, il revient à cette dernière de dépouiller les soumissions ou candidatures et d’en retenir celles qui répondent aux besoins de la commission électorale.
L’appel à candidatures informe que c’est un personnel de compétences variées qui est recherché. Il s’agit de 3000 opérateurs de saisie, de 155 formateurs, de 85 logisticiens, de 68 techniciens de maintenance, de 50 administrateurs de base de données, de 45 assistants comptables et financiers, de 20 spécialistes chargés de la formation ainsi que de 10 développeurs d’application et de 3 superviseurs techniciens. A ce groupe doit s’ajouter 2 administrateurs de réseaux locaux et le personnel nécessaire à la réalisation de l’opération de recensement électoral sera disponible. Les dates vont suivre, après les étapes du recrutement et de la formation.

A cette tâche de recrutement de personnel, la CENI a ajouté celle du renouvellement du contrat de prestations avec la solution belge Zétès. Leader européen de solutions d’identification, Zétès est une société qui fournit des kits biométriques mobiles. Ces kits sont des appareils électroniques dont on se sert pour enregistrer les électeurs avec des données biométriques, photo et empreinte digitale notamment. Depuis 2009, cette société fait des prestations dans le cadre des élections au Togo et ainsi des responsables de la CENI se sont rendus à Bruxelles du 22 au 29 juin dernier pour solliciter à nouveau les services de la société.
Le processus qui doit conduire ou aboutir à la présidentielle de l’année prochaine est ainsi résolument mis en route. A quoi va servir cette élection dans un contexte comme celui du Togo ?

Un scrutin pour la forme !

Depuis 1998, le Togo est rentré dans le groupe choc des pays où les élections ne servent presque plus à rien. On les organise année après année, mandat après mandat mais elles n’apportent aucune plus-value à la démocratie du Togo. La faute ? Il faut l’imputer à Faure Gnassingbé qui fait tout pour honorer l’héritage idéologique de feu Eyadèma, son père biologique et politique. On se souvient de la phrase qu’il a lancée en 2007 au palais des congrès de Lomé : « Papa nous avait dit que si nous laissons le pouvoir nous échapper, nous n’allons jamais le rattraper ». Autrement dit, il ne faut pas du tout créer les conditions d’une alternance politique au Togo puisque, visiblement ou tacitement, le pouvoir politique dans ce pays est la propriété de la famille Gnassingbé ou du parti politique qu’elle a créé et façonné à son goût.
Le terrain le prouve à souhait. Hormis les différents hold-up électoraux perpétrés depuis 1998, le verrouillage institutionnel réalisé depuis 2002, il y a eu récemment le refus ferme des députés UNIR de voter le projet de loi portant réformes politiques. Georges Aïdam, vice-président du parti UNIR, a expliqué que les députés ont émis ce vote parce que le projet de limitation du nombre des mandats présidentiels visait exclusivement Faure Gnassingbé et qu’il ne revient à personne de leur imposer un candidat. Il faut y comprendre que le parti n’a que faire des réformes et particulièrement s’oppose à toute idée de limitation du nombre de mandats du président si celle-ci doit signifier que Faure Gnassingbé ne sera pas candidat en 2015.
En filigrane se dessine l’évidence que le parti de Faure Gnassingbé est conscient que la loi constitutionnelle s’applique aussitôt de sorte qu’il a fait le cinéma de demander au gouvernement, son gouvernement, d’envoyer un projet de loi portant réformes politiques à l’Assemblée Nationale où il détient une majorité confortable pour en retour rejeter ce projet de loi. Pour les observateurs, cette attitude est inexplicable et insensée mais pour les responsables du parti érigé sur le corps mal aimé du RPT, la logique est bien connue : Faure Gnassingbé est en réalité un Roi ou un Prince qui n’a que faire des élections qui aboutissent à l’alternance démocratique ou qui n’a pas besoin de quitter le fauteuil royal, à moins que le Créateur décide de reprendre le souffle qu’il a mis en lui.
Etant donné que dans ce genre de pays, les élections ne sauraient être perdues par le président sortant, il y a toutes les raisons de dire que le scrutin en préparation sera une élection de plus, une vaste comédie destinée à valider la royauté voulue par Faure Gnassingbé et ses missi dominici. Le mandat présidentiel devrait être limité dès 2006 ou 2007 ainsi que le recommandait l’Accord Politique Global (APG). Mais près de 8 années plus tard, c’est le statu quo. Peut-il y avoir meilleure preuve de l’absence de volonté d’une véritable démocratie ? N’est-ce pas là en même temps l’illustration de l’impossibilité que le scrutin en préparation soit équitable, juste et transparent ? En 2013, la commission électorale dirigée par Madame Aguigah a réussi l’exploit de cacher à tout le monde le logiciel qui servait à traiter les résultats des législatives, la cour constitutionnelle a validé ces résultats ; en 2015, tout ce monde sera encore de service avec pour mission de garantir et de proclamer la « victoire » du fils d’Eyadèma. Face à ce schéma qui est mis en place, l’Union européenne et toute la famille réunie d’inaugurateurs de chrysanthèmes réunis au sein de la nébuleuse communauté internationale jouent les spectateurs amusés.

Complaisance et complicité

Les nations unies ne disent presque rien du problème politique togolais après qu’elles ont fait rédiger un rapport sur les violences de 2005. Elles ont rangé ce rapport dans les placards et attendent sans doute la prochaine catastrophe pour remettre le disque du rapport qu’on publie sous les feux croisés de toutes les caméras du monde.

L’Union européenne en ce qui la concerne a adopté depuis 2013 l’attitude du chat échaudé qui craint l’eau froide. Elle se gargarise d’un refus de financement direct de toute élection au Togo tant que les recommandations contenues dans les rapports des missions d’observation électorale resteront lettre morte. Soit. Mais les Togolais ne comprennent pas pourquoi elle continue de mettre de l’argent dans les élections au Togo par des voies détournées. En 2013, elle a dépensé près de 2 milliards pour financer la mission d’assistance électorale de Gorée Institute auprès de la société civile togolaise. Peut-être refera-t-elle le même coup en 2015 ?

Quoi qu’il en soit, nul ne doute plus que la communauté internationale apporte une caution tacite et diplomatique, au sens connoté du terme, à l’attitude anti démocratique de l’oligarchie des Gnassingbé. Les uns et les autres s’enferment dans des considérations fallacieuses pour assister en spectateurs amusés au mélodrame et à la tragicomédie auxquels le peuple togolais est soumis depuis des décennies. Il s’agit d’une complaisance et d’une dénonciation dont la dénonciation est la moindre des choses à faire. Washington est enthousiaste à brandir le carton rouge à Kabila fils qui est tenté par un troisième mandat. A Faure Gnassingbé curieusement qui refuse de respecter sa promesse faite à la signature de l’APG, elle ne dit mot ? Est-ce que les Congolais de Kinshasa ont plus de valeur aux yeux de Washington que les Togolais ? Ou est-ce à cause des intérêts économiques en jeu dans ce pays ?
Les observateurs savent en tout cas à peu près ce qui va se passer au lendemain de la présidentielle du premier trimestre de l’année prochaine. Les communiqués de presse ambigus et généreusement creux seront à l’ordre du jour. Ce ne sera pas leur problème !

Nima Zara