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La Libye, otage des terroristes

Libye - Societe
Les temps sont dangereux pour être en Libye.
Quelques jours après avoir enlevé le diplomate tunisien al-Aroussi Kontassi à Tripoli, les terroristes libyens ont publié une vidéo montrant un autre employé de l'ambassade de Tunisie demandant à avoir la vie sauve.

Cet otage que l'on voit sanglotant dans cette vidéo publiée lundi 21 avril, Mohamed Benchikh, est détenu depuis mars par un groupe jihadiste inconnu qui se fait appeler Shabab al-Tawhid.

Le ministre tunisien des Affaires étrangères Mongi Hamdi a déclaré que ce sont les mêmes terroristes qui ont enlevé ces deux diplomates pour exiger en échange la libération de deux terroristes libyens condamnés à de lourdes peines de prison en Tunisie.

Mais selon la sœur de Benchikh, Samira, "la Tunisie a refusé de négocier avec les ravisseurs sur la base d'un échange et d'une extorsion".

L'échange de prisonniers et le chantage ont également motivé l'enlèvement, le 15 avril, de l'ambassadeur de Jordanie en Libye.

Les ravisseurs de Fawaz al-Aytan ont demandé la libération de Mohamed Dersi, un Libyen condamné à la prison à perpétuité en 2007 pour avoir planifié un attentat à la bombe dans un aéroport jordanien.

Les enlèvements sont "un type de terrorisme nouveau auquel la Tunisie n'est pas habituée", a déclaré lundi le chef du gouvernement tunisien Mehdi Jomaa.

La diffusion de la vidéo de cet otage inquiète le directeur du Centre tunisien d'études sécuritaires globales (CTESG) Nasr Ben Soltana.

"Le gouvernement tunisien se retrouve dans une situation embarrassante", a-t-il expliqué. "Les groupes affiliés à al-Qaida utilisent ces vidéos pour échanger des prisonniers ou exiger des rançons."

"Le but de cette vidéo est de faire pression sur le gouvernement et le peuple tunisiens pour attirer leur attention sur le sujet et les contraindre à répondre à ces demandes", souligne-t-il.

Et Ben Soltana d'ajouter : "Tout gouvernement qui se respecte ne peut négocier avec ces groupes terroristes, mais devrait négocier avec les autorités officielles libyennes."

Selon de nombreuses sources, plusieurs ambassadeurs et diplomates ont quitté Tripoli par peur pour leur vie. Les Nations unies et de nombreux pays ont condamné ces attaques terroristes. Face à ces menaces, certains ont décidé de réduire la taille de leurs missions diplomatiques à Tripoli et de renforcer leurs mesures de sécurité.

"Les enlèvements ne sont pas une chose nouvelle dans la Libye de l'après-Kadhafi, qui est aujourd'hui contrôlée par des milices armées", explique à Magharebia le militant politique Salah Mahmoud al-Agouri.

Comme il l'explique, "de nombreux citoyens libyens, y compris des enfants, ont été enlevés par des groupes armés pour différentes raisons. Certains ont été enlevés, torturés et assassinés par des groupes extrémistes par esprit de revanche, parce qu'ils les soupçonnaient d'être des fidèles de l'ancien régime."

"D'autres ont été enlevés pour des motifs politiques, pour faire pression sur leurs familles, en particulier des responsables politiques et de la sécurité", poursuit-il. Mais "d'autres ont été enlevés pour des raisons purement criminelles, pour tenter d'extorquer une rançon à leurs familles. Mais les principales victimes aujourd'hui semblent être les diplomates."

"Nous avons perdu tout espoir quant à la possibilité de trouver une solution au problème des groupes armés qui utilisent nos propres moyens, ici en Libye", ajoute al-Agouri, se faisant l'écho d'une opinion partagée par de nombreux Libyens.

"Comme vous le voyez, ces groupes ont même été en mesure de contraindre le Premier ministre à démissionner", souligne ce militant.

"Ce n'est pas la première fois qu'un haut responsable de l'Etat est forcé de démissionner sous la pression des groupes armés", ajoute-t-il. "Pour moi, la seule solution est une intervention internationale. Nous avons besoin d'une campagne militaire internationale, à l'instar de celle qui est en cours au Sahel, pour nous débarrasser de ces parasites qui menacent désormais la sécurité de toute la région."

Lahcen Oussimouh, chercheur marocain spécialiste des groupes terroristes, estime que les enlèvements et les assassinats visant les étrangers en général, et les diplomates en particulier, risquent de se multiplier en Libye, maintenant que le pays est devenu une plateforme du terrorisme dans la région.

"Tous les rapports indiquent que l'ancien leader d'al-Qaida au Maghreb islamique Mokhtar Belmokhtar a quitté ses repères traditionnels dans le Nord-Mali et est parti pour le sud de la Libye pour échapper à la campagne internationale menée par la France contre les groupes terroristes qui s'y trouvent", explique Oussimouh à Magharebia.

"Nous pouvons donc nous attendre à plus de chaos sécuritaire en Libye", met-il en garde.

Il souligne par ailleurs que "Belmokhtar, qui a amassé une immense fortune grâce à ses activités illicites dans le nord du Mali, en particulier les prises d'otages, peut mobiliser les groupes armés en Libye pour lancer des enlèvements et des assassinats contre les diplomates des pays qui participent à cette guerre contre le terrorisme, en particulier dans la région, en échange de sommes d'argent très lucratives".

Le fait de s'en prendre à des diplomates tunisiens ne peut être compris que dans le cadre des efforts des autorités tunisiennes pour combattre le terrorisme.

"La Tunisie, qui a fait du Jebel Chaambi une zone militaire, a resserré son étreinte sur sa frontière avec la Libye pour empêcher les mouvements des jihadistes et des armes, a inscrit Ansar al-Sharia sur la liste des organisations terroristes et a jugé ses éléments impliqué dans des actes terroristes, et a restreint l'utilisation des mosquées par les salafistes extrémistes, ne peut qu'être visée par les terroristes proches d'al-Qaida, que ce soit en Libye ou ailleurs", ajoute-t-il.

Le chercheur marocain Abdellah al-Rami reconnaît lui aussi que le fait de s'en prendre à des diplomates en tant que symboles de la souveraineté de l'Etat est une réaction au rôle joué par ces pays dans la lutte antiterroriste.

"La Jordanie joue un rôle important dans cette lutte", explique-t-il à Magharebia. "Elle aide également la Libye à mettre en place sa police et ses institutions sécuritaires. Il n'y a donc rien d'étrange à ce qu'elle soit visée par les groupes terroristes qui ne veulent pas voir une telle coopération et qui n'ont aucun intérêt à voir une police et une armée fortes et efficaces en Libye."

"Cette vague d'enlèvements et d'assassinats qui a eu lieu en un laps de temps bref, et qui a même visé le Premier ministre libyen lui-même et des missions diplomatiques, est un indicateur très fort de l'étrange situation que connaît actuellement la Libye et du danger que cette situation représente pour la stabilité et la sécurité de l'Afrique du Nord dans son ensemble", ajoute al-Rami.

Il estime que lutter contre de telles menaces nécessitera le renforcement des autorités centrales des pays de la région et de leur légitimité. "Nous avons une ligne géostratégique précaire qui s'étend du Mali à l'Egypte, en passant par la Libye et la Tunisie, dans des pays qui se caractérisent par la faiblesse de leurs autorités centrales et la précarité de leurs institutions", ajoute-t-il.

"Cela crée un terrain fertile pour le renouveau des groupes terroristes, en particulier d'al-Qaida", ajoute cet analyste.

Al-Rami souligne qu'al-Qaida et ses groupes affiliés n'ont certes pas renversé un régime politique en place, mais qu'ils prospèrent toujours là où l'Etat échoue et où ses institutions s'affaiblissent.

"Le grand défi en Afrique du Nord consiste à reconstruire les institutions de l'Etat dans ces pays et à renforcer leur autorité, leur légitimité et leur prestige", conclut-il.