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Les jeunes du Maghreb, cible des recruteurs jihadistes étrangers

Afrique du Nord - Societe
Le Maroc et l'Espagne viennent de démanteler un réseau terroriste international qui recrutait des jeunes combattants jihadistes pour la Syrie, le Mali et la Libye.
Cette opération de police conjointe a permis d'appréhender trois Marocains, deux Français, un Tunisien et le leader de cette cellule, a annoncé le ministère marocain de l'Intérieur vendredi 14 mars.

Le cerveau a été identifié comme étant Mustafa Maya Amaya, un Espagnol de 51 ans élevé en Belgique, qui a abandonné son nom de "Raphael" après s'être converti à l'Islam.

"Le leader de cette cellule, qui entretenait des liens étroits avec des extrémistes marocains et étrangers, habitait au départ dans la ville de Laroui, où il avait établi de fortes relations avec des membres connus de cette cellule démantelée en novembre 2012", a expliqué le ministère.

Amaya s'était installé "à Melilla, où il avait réussi à envoyer un groupe de volontaires de différentes nationalités combattre au Mali, en Syrie et en Libye".

"Les réseaux terroristes utilisent les foyers de tension, notamment en Syrie, comme plateforme pour recruter des volontaires marocains", a précisé le ministère.

De fait, les trois membres du réseau d'Amaya arrêtés au Maroc étaient tous récemment revenus des combats en Syrie.

Al-Qaida et ses affiliés sont déterminés à "saper la stabilité du royaume et de ses alliés, car l'objectif non affirmé de cet endoctrinement est la mobilisation de ces combattants pour mener des opérations terroristes à leur retour au Maroc", ajoute-t-il.

Disposant de ramifications au Maroc, en Belgique, en France, en Tunisie, en Turquie, en Libye, au Mali, en Indonésie et en Syrie, ce groupe était "le plus actif et le plus important en Espagne et l'un des plus actifs en Europe aujourd'hui", a confirmé le ministre espagnol de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz vendredi dernier.

"Leur but ultime étaient de s'associer comme leaders ou participants actifs à des attaques et à des exécutions publiques ou de mourir lors d'opérations terroristes lancées dans ces zones de conflit", a-t-il précisé.

Cette cellule cherchait à fournir des combattants à al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) et à Jabhat al-Nusra, a-t-il ajouté.

"Le cerveau espagnol de cette cellule, Raphael, était connu de ses partisans sous le nom d'Abu Emir", explique Muhamad Okdad, de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) marocaine.

Ce chef de cellule cloué dans un fauteuil roulant "utilisait l'Internet pour son recrutement", explique ce spécialiste marocain de la sûreté à Magharebia.

"Il était actif sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. En peu de temps, il a réussi à identifier de nombreux jeunes et à les convaincre d'aller mener le jihad dans plusieurs pays", ajoute-t-il.

Le rêve de martyr ou du jihad en Syrie, en Libye et au Mali est devenu une obsession irrésistible dans l'esprit de certains jeunes Marocains radicaux.

Moncef Benaboud, originaire de Tétouan, fut le premier kamikaze marocain.

"Moncef se fit exploser à Bagdad, en compagnie de son frère aîné Bilal, qui aimait le football et le hip-hop", raconte son ami Mohamed. Moncef avait dit à sa mère qu'il partait chercher du travail en Espagne.

Il appela sa mère quinze jours après depuis la Syrie, où il séjournait avec d'autres Marocains, et lui dit de ne pas s'inquiéter. Il lui affirma rechercher le martyr en Irak.

Les jihadistes étrangers, des modèles

Les cellules démantelées ces dernières semaines pourraient n'être que la partie émergée de l'iceberg, si l'on considère l'attirance des Marocains pour les réseaux terroristes.

Selon Abdellah Rami, spécialiste du terrorisme, le "pari se fait sur les jeunes Marocains, par suite de la proximité géographique du pays avec l'Europe".

"Les extrémistes venus d'Europe pour s'engager dans les combats en Irak sont capables d'attirer plus de jeunes pour aller combattre en Libye et en Syrie", ajoute-t-il.

"Attirer des jeunes recrues fait partie d'un plan destiné à insuffler du sang neuf pour participer au nouveau jihad international, et les recruteurs étrangers parient sur la jeunesse marocaine, tandis que de leur côté, les jeunes Marocains en général considèrent les étrangers qui ont embrassé l'Islam comme des modèles musulmans exemplaires. Ils les voient comme des représentants du véritable Islam", souligne Rami.

Il rappelle le cas du Français Robert Richard (alias Abu Abdul Rahman), qui a pu attirer de nombreux jeunes partisans avant d'être arrêté en liaison avec les attentats à la bombe de mai 2003 à Casablanca.

"Une situation que l'on retrouve avec l'Espagnol Raphael, qui a réussi à créer une importante base de sympathisants et de partisans. C'est le nouvel ordre mondial du jihad", ajoute Rami.

"C'est en effet la nouvelle stratégie d'al-Qaida", reconnaît le psychologue social Mohsen Ben Zakour. "L'organisation compte désormais plus sur les convertis étrangers pour attirer les jeunes Arabes. Certains de ces nouveaux recruteurs sont blonds aux yeux bleus ou verts."

"Cela relève de l'obsession des Marocains vis-à-vis des étrangers", explique-t-il à Magharebia. "Ils pensent que tout ce qui vient d'un étranger est idéal."

Un jihadiste potentiel peut en fait trouver plus simple d'entretenir une relation avec un recruteur étranger qu'avec un recruteur local, ajoute-t-il.

"Ce jeune homme peut ne pas faire confiance à un recruteur du même pays que lui, par peur des informateurs ou des agents, mais il fera confiance à un converti étranger."

Ben Zakour explique ainsi la psychologie de la jeune recrue : "S'intéresser au terrorisme est comme devenir accro à la drogue. Le sujet peut perdre tous les éléments de l'équilibre psychologie lui permettant de faire la distinction entre le bien et le mal, et il peut alors être facilement exploité comme terroriste."

"Il est prêt à faire n'importe quoi sous l'influence du pouvoir du recruteur", ajoute ce psychologue.

Selon le journaliste Abdul Latif Chahboub, "al-Qaida recrute au nom de la religion et du jihad, puis fait en sorte que ces moujahidines acquièrent des compétences au combat, afin de les renvoyer chez eux pour y mener des actions terroristes."

"Nous sommes en face d'esprits déterminés et planifiés, rien d'aléatoire, contrairement à ce que pensent certains", explique l'expert légal Abdelfettah Ghouat.

Et la bataille est loin d'être finie, ajoute-t-il, après que ce réseau espagnol ait été démantelé lors de cette récente opération.

"Nous avons démantelé une seule cellule, il y en a plusieurs", met en garde Ghouat.

"Il y a une cellule chargée de trouver des jeunes sensibles à la pensée jihadiste, qui peuvent être facilement mobilisés. Une autre, composée d'éléments confirmés, est formée pour attirer les jeunes de manière professionnelle. Une troisième prépare les jeunes à voyager et à combattre au nom de la religion. D'autres enfin apportent un soutien logistique, organisent les déplacements, et envoient ces jeunes dans les zones de combat", explique-t-il.

"La destination est le Mali, la Libye ou la Syrie, bien que la plupart des jeunes moujahidines choisissent la Syrie", ajoute-t-il.

Selon Montassar Hamada, spécialiste des groupes islamistes et des affaires de terrorisme, les choses sont très différentes de ce qu'elles étaient durant l'ère d'Oussama ben Laden.

"Nous avons aujourd'hui affaire à une nouvelle génération de jihadistes que l'on peut qualifier de "jihadistes de la quatrième génération". Au sein de cette génération, nous voyons le phénomène des loups solitaires ou des jihadistes qui travaillent seul, loin de toute affiliation, ou de tel ou tel groupe", explique-t-il.

"Bien que la majorité de cette quatrième génération ne soit pas liée à l'organisation d'al-Qaida Central, placée sous la direction d'Ayman al-Zawahiri, ces nouveaux jihadistes n'en représentent pas moins une menace pour les sociétés et les communautés touchées par leurs activités, mais aussi pour les stratégies du réseau central", ajoute cet expert légal.

Décrivant la décentralisation du réseau terroriste mondial, Hamada explique : "Aujourd'hui, al-Qaida se compose de jihadistes de différentes nationalités, ayant des visions, des objectifs et des stratégies unifiés : combattre les régimes arabes et l'Occident, et mettre en place un califat."

"Peu importe qui dirige l'organisation, au centre ou dans les ramifications. La même règle s'applique à la cellule démantelée le week-end dernier en Espagne et au Maroc", explique-t-il.

"Au centre, le leadership est passé d'un Saoudien (ben Laden) à un Egyptien (Al-Zawahiri). Nous retrouvons le même schéma dans les affiliés", ajoute Hamada.

"Si nous regardons les leaders de l'EIIL en Syrie, nous voyons que la plupart d'entre eux sont d'origine tunisienne", conclut-il.