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Faure Gnassingbé tourne le dos aux réformes politiques et annonce la militarisation programmée du Togo pour s’éterniser au pouvoir

Togo - Politique
On savait déjà que ses discours sont le plus souvent un agencement forcé de mots destinés à abuser de la crédulité et de la patience des uns et des autres. Deux discours sur trois du fils d’Eyadèma sont ainsi creux et vides au point où on s’est toujours demandé si on le force à prononcer des discours. Pour le 27 avril de cette année, il a encore remis le disque avec en prime une plaisanterie de très mauvais goût qui s’est traduite par un appel à « dépasser les calculs partisans et les préoccupations électoralistes ».
Le président vous parle

Faure Gnassingbé ne peut pas ne pas prononcer de discours à l’occasion de la célébration de la fête nationale. C’est pour cela que faisant contre mauvaise fortune bon cœur, on le suppose, il se fait rédiger un texte qu’il sert aux populations, pour la forme. Ses discours sont identiques, à peu de choses près. Contorsions, allégories, contournements et refus d’affronter la réalité. Des discours à l’eau de rose le plus souvent. Pour le 27 avril de cette année, ce qu’il convient de retenir du discours présidentiel, c’est sans doute l’annonce de l’année de la sécurité routière et la tentative de dédramatisation de la crise liée à l’OTR.

Reprenant au bond la balle envoyée par le dernier accident tragique survenu à Talo, entrée de la ville d’Atakpamé, le 14 avril dernier, le chef de l’Etat a joué les récupérateurs politiques. Argument tout trouvé pour lui donc pour se parer de la tunique de protecteur des populations en décrétant l’année de la sécurité routière. Après avoir exprimé une nouvelle fois ses condoléances aux familles et aux victimes, Faure Gnassingbé a saisi l’occasion pour inviter les citoyens à « renouer avec les valeurs civiques et notamment le respect en toutes circonstances des prescriptions du code de la route » puisque « ce sont avant route des vies humaines qui sont en jeu ». Un appel en fin de course : « les usagers de la route tout comme les agents de sécurité sont ainsi conviés à conjuguer pour préserver les vies humaines, en mettant notre pays à l’abri des trop nombreux drames qui se nouent sur nos routes ».

La vie chère a également intéressé Faure Gnassingbé. Il clame haut et fort que «  la voie vers la modernité ne se construira pas au détriment du bien-être des citoyens » qui « sont légitimement en quête d’un meilleur pouvoir d’achat et nous devons en tenir compte en toutes circonstances ». Une promesse de « construction de nombreux logements sociaux à partir de 2015 » et le retour au « fonds national de finance exclusive » ainsi que l’annonce du « démarrage effectif du Programme d’appui à l’accès des pauvres aux services financiers » sont agités comme les preuves d’une « ferme détermination à conduire notre pays vers la modernité ».
Faure Gnassingbé a également parlé du patrimoine de l’Etat et des dépenses improductives dans l’administration publique. Une invitation « chacun peut contribuer, quelle que soit sa position dans l’échelle sociale, à affermir notre essor économique et social naissant, en respectant et en faisant respecter autour de lui ce qui relève du patrimoine de l’Etat » puis un engagement « je vous engage ainsi à mener une lutte sans merci contre les dépenses improductives dans les administrations publiques comme privées ». Cerise sur le gâteau : le fils de Gnassingbé Eyadèma se donne le statut du meilleur élève de la classe. Il n’a pas hésité à présenter ses deux mandats comme ce qui pouvait et devait arriver de mieux pour le pays. « Nous pouvons même être fiers du chemin que nous avons parcouru en l’espace d’une décennie ».


Trop de blablabla

On ne peut pas connaître la motivation réelle qui génère les déclarations de Faure Gnassingbé. Au moins on peut constater que ces déclarations cadrent rarement avec la réalité togolaise. Le chef de l’Etat s’enferme souvent dans des considérations superficielles et propagandistes qui traduisent rarement l’exactitude de ce qui est vécu au quotidien dans le pays. Faure Gnassingbé est libre de croire que le chemin qu’il a fait parcourir au Togo depuis son accession sanglante, dramatique et cauchemardesque, pour ne pas dire chaotique, au pouvoir en 2005 est exceptionnel. Il peut croire qu’il a transformé le pays en un paradis rêvé, qu’importe. A la vérité, les travailleurs du secteur public peuvent témoigner que leur situation a évolué, les citoyens anonymes peuvent reconnaître qu’il y a des choses qui ne se passent plus, les média aussi en ce qui les concerne peuvent admettre que les lignes ont un peu bougé. Au-delà, il n’y a rien de nouveau, rien d’exceptionnel, rien de strictement révolutionnaire.

Le chemin parcouru dont le chef de l’Etat semble si fier révèle curieusement que la dynamique de patrimonialisation de l’Etat n’a nullement changé. Faure Gnassingbé a fait enterrer le RPT pour faire naître UNIR mais la dynamique est restée la même : le Togo est considéré comme le champ de manioc de certaines personnes, d’une certaine famille, d’un certain clan. Tout est toujours mis en œuvre pour que le pouvoir d’Etat reste et demeure entre les mains d’une coterie qui n’a de légitimité que celle qui est forgée dans les urnes à travers différentes astuces de manipulations électorales.
Au nom de quoi par exemple on peut lancer des hordes de policiers et de gendarmes, des soldats même survolant le territoire en hélicoptère, contre des citoyens qui veulent seulement manifester ? La loi existe qui régit les manifestations sur la voie publique mais le pouvoir de Faure Gnassingbé l’applique au petit bonheur la chance, au gré du vent, au gré de l’humeur du système. Même à Paris, à Washington ou à Devos, il y a des manifestations qui ont lieu en marge de très grands sommets auxquels sont présents des présidents dont certains sont les plus gardés du monde. Pourquoi a-t-on choisi d’empêcher une manifestation d’opposants au prétexte que cela va troubler l’ordre public et les activités entrant dans le cadre de la célébration du 27 avril 2014 ?

Arbitraire, abus d’autorité, violation des libertés individuelles et collectives, voilà le vrai visage du pouvoir de Faure Gnassingbé qui essaie toujours de se cacher derrière des arbres qui n’ont pas les moyens de cacher la forêt. Intolérance politique, voilà qui résume assez bien l’idéal politique du pouvoir de Faure Gnassingbé. Que dire de sa nouvelle déclaration sur les réformes ? De l’intolérance encore et aussi de l’incohérence si ce n’est de la moquerie à l’égard de ses adversaires politiques ?

Il vous souvient que Faure Gnassingbé a déjà exprimé la position selon laquelle les réformes en instance devraient se faire à l’Assemblée Nationale. A la suite, M. Fabre a sollicité une rencontre pour en discuter, et le Premier ministre a été instruit afin de recevoir les différentes obédiences politiques en vue de recueillir les avis. On en était là et après que ses adversaires politiques ont suffisamment réitéré leur demande d’un dialogue formel pour vider le dossier, Faure Gnassingbé leur lance au visage, à mots couverts, que l’Assemblée Nationale est toujours le meilleur cadre pour discuter des réformes.

Faure Gnassingbé a l’impertinence de parler de « reliquat de réformes politiques », Supposons que c’est un mot déplace et convenons qu’il est l’expression de la volonté farouche qui anime le chef de l’Etat. Visiblement, les reformes dont on parle ne sont pas grandes, et ainsi l’opposition ferait une tempête dans un verre d’eau en réclamant à cor et à cri lesdites réformes. Pis, Faure Gnassingbé tente d’abuser de l’opinion en parlant comme si le sujet sur les réformes ne le concerne. Il dit en substance qu’il invite « chacune et chacun à dépassionner le débat, à ne se laisser guider que par le souci primordial de doter notre pays d’un édifice institutionnel propice à son plein épanouissement ». On en rirait sans hésiter puisque c’est connu que ceux qui sont réfractaires aux réformes et qui font de ce débat celui de leur vie, ce sont les gens du pouvoir, dont Faure Gnassingbé lui-même. Ils veulent rester au pouvoir, sans le mériter et pour cela ils font des manœuvres pour barrer la route à la mise en œuvre des réformes que Faure Gnassingbé a pourtant promises devant témoin depuis août 2006.

S’il se morfond et se torture aujourd’hui à faire croire que le mal c’est les autres, il se trompe de cible, il ne trompe personne. Car plus aucun Togolais n’est dupe. Si c’était le cas, il laisserait faire de bonnes élections dans un cadre législatif et politique qui ne prédétermine l’issue du scrutin. Un discours de plus, qui ne saurait faire date si ce n’est la ferme volonté affichée de s’éterniser au pouvoir et la militarisation programmée du Togo pour ce faire. Ainsi va le Togo de Faure Gnassingbé.

Nima Zara